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Violer dans le déni

FILE - In this June 2, 2016 file photo, Brock Turner, right, makes his way into the Santa Clara Superior Courthouse in Palo Alto, Calif. A letter written by Turner's father was made public over the weekend by a Stanford law professor who wants the judge in the case removed from office because Brock Turner's sentencing. (Dan Honda/Bay Area News Group via AP, File) MAGS OUT NO SALES Photo: The Associated Press

Brock Turner a reçu une peine de six mois pour agression sexuelle sur une personne intoxiquée et inconsciente, mais c’est loin d’être l’aspect le plus révoltant de cette histoire, qui en révèle tant sur la culture du viol.

D’abord, Brock Turner n’a pas été reconnu coupable de viol, mais de «tentative de viol», un concept qui a été remplacé par la notion plus générale d’«agression sexuelle» au Canada. La distinction entre «sexual assault» et «rape», dans le droit Californien, semble être que pour qu’il y ait viol, l’agresseur doit avoir mis son pénis dans le vagin de sa victime. C’est ça, la différence. La différence de gravité se jouerait dans le plaisir qu’a pu ressentir l’homme, et non dans la douleur subie par la victime.

Ensuite, on a mis beaucoup d’accent sur la clémence de la peine, six mois d’emprisonnement, notamment en raison des motifs invoqués par le juge – éviter qu’une peine plus longue ait un impact durable sur Brock Turner – et compte tenu de l’absence apparente de remords de l’accusé. Ironiquement, il s’agit d’une «bonne tournure» des événements dans un cas d’agression sexuelle. Ça, c’est ce qui arrive lorsqu’une victime d’agression sexuelle a «la chance» d’avoir de son côté deux témoins et plusieurs preuves physiques de son agression. Selon le Rape, Abuse & Incest National Network (RAINN) aux États-Unis, 97 % des violeurs ne subissent AUCUNE forme de punition pour leurs actes.

Le plus dérangeant est bien sûr la lettre de soutien du père de Brock Turner, dans laquelle il plaide qu’une peine de 6 mois de prison lui paraît lourde pour un simple «20 minutes d’action». En minimisant les actions de son fils, le père de Brock Turner n’a pas simplement pris sa défense. Il a démontré exactement comment la culture du viol présente au sein de son milieu a pu générer les actions de son fils. Si les personnes qui vous ont élevé pensent qu’un viol n’est qu’une «action de 20 minutes», il y a de fortes chances que vous n’ayez pas conscience de la gravité de cette action.

Contrairement à ce que semble croire Brock Turner lorsqu’il s’engage à donner des conférences dans les écoles pour «sensibiliser les jeunes aux dangers de l’alcool et de la promiscuité sexuelle», on ne viole pas parce qu’on est saoul ou parce qu’on est près de quelqu’un. Plusieurs personnes s’accommodent très bien de l’alcool et de la proximité physique sans violer qui que ce soit. On viole parce qu’on a un sentiment de supériorité et d’autorisation à s’approprier le corps des femmes impunément.

Brock Turner a démontré peu de compassion à l’endroit de sa victime. S’il a éprouvé des remords, c’est à l’endroit de lui-même. Il regrette. Ah, ça, oui. Il regrette d’avoir gâché sa propre existence. Et c’est peut-être parce qu’il semble avoir si mal compris la portée de son geste et sa responsabilité intrinsèque dans cette affaire, que sa peine de six mois, qui dépasse celle de plusieurs agresseurs, paraît si injuste.

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