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Voir loin de si près…

Sylvain Ménard

Pour terminer mes vacances, j’ai loué une maison située en bordure du golfe du Saint-Laurent, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick. Dans un village minuscule, l’endroit parfait quand on veut se pousser loin de la ville, du vil et du futile.

C’est bien installé sur la table à pique-nique avec le soleil qui me tape dessus et un vent frais qui me fouette les mollets que j’écris cette chronique. Devant moi, il n’y a que le ciel et de l’eau. Je peux voir loin. C’est exactement ça que je voulais: voir loin et ne penser à rien.

Le voisin est venu me jaser un brin hier, en fin d’après-midi. Il m’a raconté que le premier habitant du village était son arrière-arrière-grand-père. Le pauvre arrière en question avait, semble-t-il, été chassé de sa Gaspésie natale pour avoir tué un homme d’un seul coup de poing. Un direct au plexus, que le voisin a pris la peine de spécifier. Avez-vous remarqué que, dans les légendes, on meurt toujours d’un seul coup de poing?

– Qu’est-ce qu’y vous amène de par icitte?

– Je suis de Montréal. M’en viens pour décrocher.

– Vous z’êtes pas le premier à dire ça. Y a comme pas grand-chose d’autre à faire icitte…

– Pas évident, mais on essaie!

À cet instant précis, je me suis rendu compte du ridicule de la situation. De ma situation, devrais-je dire. Comment croire que je pourrais décrocher alors que, pour une rare fois, la seule chose que j’aurai à faire, c’est de penser? Sans horaire fixe ni agenda à respecter, y a un hamster de compétition qui se met à tourner sans arrêt. On se projette dans l’avenir, on se demande comment ça va virer, on se questionne sur ce qu’on aurait dû, pas dû et sur ce qui nous attend.

Il n’y a rien de plus illusoire que croire qu’un moment d’arrêt devient automatiquement un moment de pause. En fait, c’est absolument le contraire.

Comment croire que je pourrais décrocher alors que, pour une rare fois, la seule chose que j’aurai à faire, c’est de penser?

À la limite, il n’y a rien de pire qu’essayer de fuir ce qui nous tape sur les nerfs en sachant fort bien qu’on devra bientôt y replonger. Il est impossible de se soustraire à soi-même. Sans parler du choc «augmenté» du retour. Êtes-vous déjà revenu d’un voyage dans le Sud en plein mois de janvier, quand tu sors de l’avion en gougounes à 34 oC sous zéro? Ben, c’est ça. Tout ce que tu crois avoir emmagasiné d’énergie pendant tes vacances, tu le perds en encaissant ton premier coup de réalité. Quand tu replonges dans le tourbillon du quotidien et dans l’ambiance toxique qui prévaut ces temps-ci autour de nous, tu te rends compte que le fameux décrochage tant souhaité n’aura finalement peut-être pas l’effet escompté.

Pendant mon absence, y a des journaux qui sont passés à «ça» de fermer (et ce n’est pas fini), la forêt amazonienne a flambé et un homme a été sauvagement battu en sortant d’un bar de Charlevoix en raison de son orientation sexuelle. Difficile de faire le vide dans les circonstances.

Ce matin, au bord de l’eau, y fait pas trop chaud – pas trop froid. Quand je regarde au loin, la seule chose que je vois, c’est que l’automne s’en vient, qu’il y aura une élection fédérale, que des «candidats-vedettes» vont peut-être finir par se trouver une job et que Maxime Bernier va continuer à être Maxime Bernier. Cher Maxime, s’il y en a un qui s’y connaît en matière de vide…

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