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Être ou disparaître

Sylvain Ménard

Le journal que vous lisez présentement est financé par la publicité. Évidemment, direz-vous, il est gratuit. Détrompez-vous, la rentabilité de t-o-u-s les journaux que vous avez lus dans votre vie reposait sur la vente d’espaces publicitaires, qu’ils soient vendus en kiosque ou distribués gratuitement. Même chose pour la télé: sans pub, oubliez ça. Le hockey, La Voix, le Bye Bye et vos séries préférées existent pour et par la publicité. Pareil pour la radio. Pas de pub, pas de radio. Ne me parlez pas de la radio de Radio-Canada, c’est une société d’État et vous payez pour ce désert publicitaire à même vos impôts.

Depuis toujours, les revenus publicitaires font la différence entre la réussite et la faillite de toute entreprise médiatique. Ce que vous lisez, écoutez ou regardez sert à remplir l’espace libre entre deux publicités. Le calcul est simple: un diffuseur vend des fenêtres publicitaires à un annonceur voulant rejoindre un maximum de consommateurs, qui exigent en retour d’avoir accès à des produits de qualité. Enlevez un élément à cette équation et tout fout le camp.

Depuis quelques années, avec la multiplication des diverses plateformes sur le web, la pub tend à migrer ailleurs et les médias dits traditionnels se retrouvent avec un manque à gagner qui menace leur propre survie. N’allez pas croire que lesdits médias ont mal jugé cette menace. C’est juste que tout le monde a été pris de court par l’ampleur étourdissante du phénomène. Ce n’est pas parce qu’on voit venir un tsunami qu’il ne sera pas dévastateur.

«Le choix est là. Allons-nous choisir d’être ou de disparaître?»

La semaine dernière, lors de la commission parlementaire sur l’avenir des médias qui s’est tenue à Québec, tout un chacun est venu faire son exposé et a apporté une ou quelques pistes de solution pour stopper l’hémorragie. Malheureusement, il n’y a pas une avenue unique qui serait efficace à long terme. Au mieux, il s’agit de pansements qui vont tenir un temps, mais qui ne guériront rien.

Le problème est épineux. Pour tout le monde. Dans les plus grands marchés comme dans les plus petits. Rien qu’à songer à ce qui se passe présentement dans les régions, là où LE journal de la place est le seul imprimé disponible, là où LA station de radio demeure la seule voix familière pour les citoyens du coin. Perdre ces enseignes équivaudrait à court terme à une perte de contact avec la réalité locale. Il faut faire quelque chose et il faut le faire immédiatement.

Quand on me parle d’une question de mois pour les journaux de Groupe Capitales Médias et quand on sait que La Presse voit son butin fondre comme neige au soleil, l’heure est à l’urgence. Et ce n’est pas en traitant ses pairs de «quêteux» que PKP contribuera sainement au débat. L’ancien étudiant en philosophie connaît plus que quiconque la valeur des mots et la nécessité de partager le savoir et l’information. J’ai beau virer le problème de tout bord, tout côté, j’en reviens toujours à la même conclusion: l’État doit s’en mêler en consacrant les sommes nécessaires pour assurer la survie de nos médias. Quitte à ce que ça paraisse sur nos comptes de taxes.

Une société digne de ce nom doit être dûment informée. Pas seulement pour savoir où elle est rendue, mais surtout pour savoir où elle va. Une société mal informée est une société inculte et promise à une extinction certaine. Et le fait d’être minoritaires francophones sur cette terre d’Amérique rend la chose encore plus criante.

Il faut absolument sauver ce qu’il reste de nos médias en investissant tout l’argent et toute l’énergie nécessaires, comme nous le faisons déjà pour notre cinéma et notre littérature. Nous en sommes rendus là. Il en va de la survie de notre culture. De notre survie, point à la ligne.

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