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La peur de l’Autre

Frontière

La différence fait peur. Elle est étrangère et engendre des distances. Elle est cet Autre qui n’est pas nous et qu’on ne pourra jamais comprendre totalement. La différence est aussi une force: elle est synonyme de diversité, de pluralité et de partage d’idées, de valeurs, de cultures. Mais aujourd’hui, cette richesse est trop souvent invisible, au profit de discours de division, entre soi et l’Autre, entre ce qu’on perçoit comme le bien et ce qu’on considère comme le mal. Peu à peu, cette division s’est immiscée dans l’imaginaire collectif, teintant les politiques adoptées ainsi que nos réactions aux propos des législateurs.

Cette définition de la différence peut s’appuyer sur un processus de déshumanisation qui permet de justifier des comportements qu’on jugerait inacceptables si la victime était «comme nous».

«Des animaux»: c’est ainsi que Donald Trump a, la semaine dernière, défini les demandeurs d’asile, qui fuient une pluralité de violences et qui sont à la recherche de sécurité aux États-Unis.

En retirant leur humanité aux demandeurs d’asile, on tente de rendre acceptable une réponse militaire à une réalité humanitaire. En effet, comment justifier la détention d’enfants dans des cages surnommées «boîtes de glace» sinon en leur enlevant leur humanité?

Celui qui est présenté comme «Autre» ne l’est pas uniquement sur une base ethnique: toute identité qui déroge des normes est terrain fertile pour la construction de la différence, à la fois positive et négative. Ainsi, la semaine dernière, le Brunei, petit sultanat situé en mer de Chine, a adopté une loi autorisant la mort par lapidation des homosexuels – qu’ils soient nationaux ou visiteurs. Le Brunei devient ainsi le 11e État à rendre l’homosexualité passible de la peine de mort – et le 4e (sur les 11) où cela se fait par lapidation. Sur la base d’une interprétation de textes religieux, les membres de la communauté LGBTQ sont présentés comme illégaux, comme «déviants» par rapport à l’ordre naturel des choses. Cette loi a été accueillie par une vague de contestations à l’international, mais l’Occident n’est pas exempt de failles: l’hétéronormativité (soit la vision de l’hétérosexualité comme étant la norme) domine encore, et «l’Autre» homosexuel est construit comme différent – une différence qui, dans plusieurs contextes nationaux, est perçue négativement et donne lieu à une pluralité d’actes de violence. C’est notamment le cas aux États-Unis où, en 2017, sur les 7175 crimes haineux rapportés au FBI, 1249 étaient motivés par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime.

À l’heure où la polarisation politique est croissante, où les mouvements populistes prennent de l’ampleur aux quatre coins du globe, où la construction de murs frontaliers s’appuyant sur un discours sécuritaire face à la venue de «l’Autre» est monnaie courante, la différence est de plus en plus représentée, perçue et vécue en termes négatifs. L’existence même de «l’Autre» devient une menace à la nôtre. Et pourtant. À un moment où la richesse, la nécessité de la différence semble tomber dans l’oubli, il est d’autant plus important de célébrer cette différence, pour ne pas oublier qu’une appartenance sociale, un droit ou une protection politique qui nous semblent acquis peuvent si vite être remis en question. En effet, impossible de prédire si le prochain «Autre» ne sera pas le «soi».

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