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Je ne parlerai plus de racisme

François Legault a raison lorsqu’il affirme qu’il vaut mieux entamer une évolution tranquille au lieu de faire un procès aux Québécois. Je lui apporte mon support pour son pragmatisme. C’est en se basant sur les particularités identitaires et historiques du Québec qu’il faut s’y prendre tranquillement pour espérer un changement dans les mœurs. Trois facteurs me poussent à prendre une telle position. Je m’explique.

Les effets de l’histoire

Nul ne peut nier – aujourd’hui encore – combien l’histoire du Québec peut soulever les passions. L’injustice subite par les Canadiens français (les Québécois) continue de faire surface de temps en temps pour nous rappeler que les blessures du passé ne sont toujours pas complètement guéries. De plus, même si le sujet de l’indépendance du Québec ne semble plus d’actualité politiquement, il est à noter que tant et aussi longtemps que cette question n’est pas résolue, les blessures resteront profondes et le dialogue avec les différentes minorités québécoises restera caduque.

La langue française comme identité

La vulnérabilité de la langue française dans une Amérique du Nord anglophone et les efforts gargantuesques qui sont mis en œuvre pour garantir sa pérennité met les purs laines sur leur garde lorsqu’une question vient remettre en question l’identité québécoise. Un sujet tel que le racisme n’échappe pas à une telle réticence. À chaque fois que le sujet d’intégration ou de racisme dans la société québécoise est abordé, il est rapidement interprété comme une menace envers la dite identité. Un nouveau dialogue de sourds vient s’ajouter à l’autre débat houleux entre deux solitudes qui perdure depuis des années. En quelque sorte une troisième solitude vient s’immiscer entre les deux premières.

À chaque fois que le sujet d’intégration ou de racisme dans la société québécoise est abordé, il est rapidement interprété comme une menace envers la dite identité.

La crise des accommodements raisonnables

Qui parmi nous aurait le goût de revivre l’épisode des accommodements raisonnables? Rappelez-vous la commission Bouchard-Taylor, de sa tournée sur le territoire québécois et de tous les commentaires insensés qui continuent encore de résonner dans nos oreilles. Rappelons aussi que ces accommodements avaient commencé par une demande de la communauté hassidique à un centre de conditionnement physique afin que ce dernier ait l’obligeance de dissimuler ses vitrines – aux frais de la communauté – pour que le «spectacle» cesse d’affecter l’esprit d’une jeunesse en quête de la bénédiction divine. La suite fut – sans vous le rappeler – chaotique; prenant une toute autre direction; se transformant en procès pour la communauté musulmane – pour ne pas dire des femmes musulmanes portant le hijab.

Je vous demande à présent: voulez-vous vraiment un autre procès?

En tenant compte de ces faits, j’ai donc décidé de ne plus parler de racisme. Non pas parce que je pense qu’il n’y a pas de racisme systémique au Québec. Bien au contraire. Là où il y a l’homme, il y a l’hommerie.

J’ai décidé de ne plus rien dire parce que pour la première fois de ma vie, je crois qu’il y a une volonté politique d’aller de l’avant. La crise que nous vivons aujourd’hui, nous a rapprochés les uns des autres et nous a mis sous un même piédestal. Ce qui se passe, aujourd’hui, est une véritable révolution. Nous devons donc profiter de cette ouverture afin d’envisager un mouvement d’inclusion de masse.

Une inclusion systématique, politique et juridique est enfin envisageable.

Vers un nouveau refus global

Pour conclure, je vous rappelle que les murs de la grande noirceur furent fracassés par des artistes signataires du Refus global. Ces artistes transportaient dans leur conscience le désir d’émancipation d’un peuple qui avait soif de liberté. Ce même désir, la population racisée en a grandement besoin aussi. Nous devons donc, tous ensemble, tendre nos mains vers le puissant moteur de changement que sont les artistes.

Toutefois, je pense que pour l’instant ces personnalités publiques vivent encore en marge de la nouvelle réalité québécoise. Une jeunesse hétérogène qui peine à s’identifier à un cercle fermé et homogène qui domine d’une main de fer toute la scène artistique. Un changement de mentalité et de mœurs à ce niveau s’impose.

C’est un peu pour cela que j’ai décidé d’arrêter de parler de racisme, même si le prochain refus global se fait encore attendre.

Nabil Tarhini, Anjou

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