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Culture du viol: j’ajoute ma voix

Je ne passerai pas par quatre chemins: j’ai été violée par mon frère. Mon frère, celui qui porte le même nom de famille que moi. Aucun doute possible dans mon esprit: en aucun cas, je n’ai pu être consentante. Nous avons ici un cas typique où il n’y a aucune zone floue sur le sujet. Un viol «en bonne et due forme», si vous me permettez l’expression.

Aujourd’hui, j’écris pour joindre ma voix au mouvement de dénonciation.

J’entends beaucoup de gens se plaindre des dénonciations anonymes. Ces gens invitent les dénonciatrices à «ne pas laver leur linge sale en public» et à «utiliser les voies officielles pour porter plainte».

J’aimerais vous sensibiliser sur la place que prend la culture du viol dans notre société. C’est seulement 10 ans après avoir été agressée par mon frère que j’ai compris qu’il s’agissait d’une agression.

En dépression après une tentative de suicide, j’ai finalement décidé de porter plainte à la police. La déposition a très bien été reçue, j’ai été entendue et crue. […] Là où l’histoire se corse, c’est dans le cercle familial et amical. Pour commencer, ma mère m’a suppliée à maintes reprises de retirer ma plainte à la police. Affirmant qu’elle me croyait, elle voulait tout de même que je sache qu’il ne valait pas la peine que je brise la vie de mon frère, que ça ne réparerait pas la mienne.

Ensuite, les amis que j’avais en commun avec mon frère ont cessé de me voir. Plusieurs m’ont avoué trouver la situation difficile et ont finalement choisi de prendre des distances avec moi. Mon père a, quant à lui, fait un souper de Noël chez lui et nous a invité mon frère et moi, malgré le processus judiciaire enclenché. Je lui ai mentionné qu’il m’était mentalement et physiquement impossible de voir mon frère le temps d’un souper. Mon père m’a affirmé qu’il ne voulait pas avoir à choisir ni avoir à trouver une solution hybride. En ne choisissant pas, il choisissait, puisque mon frère n’a jamais été gêné de sa présence. En ne choisissant pas, il m’excluait. […]

Mon frère a par la suite été reconnu coupable et fait de la prison à domicile.

Puis vint l’épluchette familiale du côté de ma mère, où mon oncle a fait la même chose que mon père, et ce, en dépit de l’interdiction de contact que mon frère devait respecter, et en dépit de sa culpabilité. […]

Finalement vint le mariage de mon autre frère. […] L’interdiction de contact étant terminée, mon frère et moi pouvions être légalement dans le même environnement. J’étais prête à piler sur mes douleurs internes pour permettre à mon autre frère de vivre son mariage comme il le souhaitait.

J’ai fait des démarches de médiation citoyenne pour entrer en contact avec l’agresseur, afin de pouvoir briser la glace avant le mariage, question que ce ne soit pas aux mariés à gérer cette difficile situation. Aucun signe de vie de la part de l’agresseur.

[…] J’ai pris la décision de ne pas assister au mariage. Lorsque je l’ai annoncé aux futurs mariés, mon frère a éclaté en colère. Il m’a alors expliqué que: «Toutes les familles ont des chicanes, et on ne manque pas un mariage pour cela».[…]

Il ne s’agit pas d’une chicane de famille, mais bien d’un acte criminel. Dans une chicane, deux personnes ont leurs torts. Dans cette situation, je n’ai aucune responsabilité à porter.

La culture du viol, c’est enraciné plus profond que l’on ne le croit. C’est le fait de rendre la victime responsable de son agression, ou des répercussions que celles-ci peuvent avoir sur la vie des autres. C’est le fait de l’isoler
des sphères sociales, malgré sa non responsabilité […].

Ma mère m’a affirmé que ma plainte ne valait pas la peine, qu’elle briserait la vie de mon frère. Mais… Est-ce réellement moi qui ai brisé sa vie?  […] Cessez d’affirmer que les victimes lavent leur linge sale en public et qu’elles brisent la vie des présumés agresseurs. […]

A. Tremblay (nom d’emprunt pour des raisons de confidentialité)

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