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Condamnés à une mort lente… eugénisme institutionnel?

Ghislaine Jalbert - Collaboration spéciale

Wow! On vient de découvrir de nouveaux médicaments (les immunomodulateurs) qui vont redonner à ma meilleure amie le contrôle de sa vie: des médicaments qui ne guérissent pas la sclérose en plaques (SP) mais qui en diminuent la progression. C’est du moins ce que je pensais avant de savoir que ces médicaments ne seraient pas disponibles pour les gens comme elle. Selon un rapport publié par le Conference Board du Canada, bon nombre de canadiens atteints de la sclérose en plaques ne profitent pas d’un accès suffisant, équitable et abordable à ces médicaments qui pourraient changer leur vie. J’utiliserai l’histoire de mon amie pour vous raconter celles des centaines d’autres qui ont appris que la RAMQ ne couvrait pas ces médicaments pour eux.

À l’annonce de cette découverte, voilà ce que j’ai cru: finie l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de ma copine et de celles des autres qui, comme elle, souffrent de la SP. Fini de se demander chaque soir quel sera leur état le lendemain, finis les deuils quotidiens qu’ils doivent faire à cause de leurs pertes régulières de capacités. Hier, il me semble, ma copine marchait, mais elle est aujourd’hui en chaise roulante. Demain, est-ce qu’elle aura assez de coordination pour pouvoir se transférer seule de son fauteuil roulant au bol de toilette, est-ce qu’elle pourra toujours s’habiller et se déshabiller elle-même ou couper elle-même ses aliments? Est-ce demain ou après-demain qu’elle perdra la parole ou cessera de respirer? Ma copine croyait que sa lente descente en enfer était finie, que ces médicaments freineraient la progression de ses incapacités et lui permettrait de continuer à jouer un rôle actif dans la société

Enfin, c’est ce que mon amie croyait avant de parler avec son neurologue. Il lui a dit que ces médicaments n’étaient pas couverts par l’assurance-maladie pour les patients qui avaient déjà perdu l’usage de leurs jambes. Qu’à cela ne tienne, elle les paierait de sa poche… mais les immunomodérateurs coûtent $45,000.00 par année: c’est pour cela que la RAMQ ne les couvre pas pour les patients qui n’ont plus l’usage de leurs jambes.

Quoi? Quelqu’un a décidé que les personnes en fauteuil roulant valaient moins que les autres, qu’elles étaient moins utiles à la société et qu’on pouvait les laisser dépérir sans rien perdre. On les condamne à mourir à petit feu après d’innombrables deuils de leurs capacités. Une mort lente, un eugénisme institutionnel qui, à terme, fera disparaître du paysage sociétal les malades atteints de la sclérose devant se déplacer en chaise roulante – on aura freiné la maladie à temps chez les nouvelles personnes atteintes. Si ce n’est pas de l’eugénisme…

Et pourtant… Les immunomodérateurs profiteraient à tous. D’abord, cela profiterait aux personnes atteintes de la sclérose en optimisant la santé de leur cerveau et en retardant la progression de la maladie. Ensuite, cela réduirait les frais médicaux associés aux symptômes de la SP et aux hospitalisations. Et, finalement, cela diminuerait pour la société les coûts indirects découlant des pertes de productivité et des soins informels.

Bref, les soigner serait gagnant/gagnant. Alors, le choix de les laisser dépérir à petit feu est-il rationnel ou basé sur un eugénisme plus ou moins programmé?

Ghislaine Jalbert

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