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Le défi mondial de la régulation du Web

Photo: Archives
Hussein HAZZOURI - Collaboration spéciale

Les questions de la liberté d’expression sur Internet et de la régulation du Web occupent aujourd’hui le devant de la scène mondiale et pointent le rôle et la responsabilité des géants du web «GAFAM».

«Sans Twitter, je ne serais probablement pas là. J’ai près de 100 millions d’abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram. J’ai mon propre média». C’est ce qu’a déclaré l’ex-président américain Donald Trump lors d’une interview à Fox News le 15 mars 2017, pour souligner l’importance des réseaux sociaux dans son élection de 2016.

Aujourd’hui Trump a perdu non seulement les élections mais aussi son «propre» média. Le vendredi 8 janvier 2021, Twitter a décidé unilatéralement de bannir le compte de Trump, suivi par Facebook, Instagram et Youtube, trois jours après l’assaut du Capitole par des militants pro-Trump à Washington.

Les réseaux sociaux ont justifié cette éviction par le «risque de nouvelles incitations à la violence» de la part de Trump. Twitter a indiqué aussi avoir depuis suspendu plus de 70 000 comptes liés à des mouvements extrémistes pro-Trump.

Le bannissement de Trump par les réseaux sociaux a été condamné par la classe politique européenne.

En France, le ministre de l’économie Bruno Le Maire dans un entretien accordé à France Inter a indiqué que «la régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l’oligarchie numérique elle-même». Il a aussi précisé que la régulation des géants du numérique ne peut se faire que par «les états, un peuple souverain et la justice».

Par ailleurs, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement français a estimé que le fait de réduire au silence une personne sur les réseaux sociaux constitue un empêchement d’expression sur cet espace public et pose la question de l’absence de critères spécifiques établis par la loi.

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a traité ce sujet comme «problématique». En effet, comme l’a précisé le porte-parole de la chancelière «il est possible d’interférer dans la liberté d’expression, mais selon les limites définies par le législateur, et non par la décision d’une direction d’entreprise».

Au-delà de ça, le commissaire européen Thierry Breton a exprimé sa «perplexité» et a décrit la décision de Twitter comme un «11 septembre des réseaux sociaux» parce que « cette date restera comme la reconnaissance par les plateformes de leur responsabilité éditoriale et des

contenus qu’elles véhiculent. Elles ne pourront désormais plus se dérober à leur responsabilité ».

Qui doit décider la régulation ?

Aux États-Unis, les plateformes sont protégées par un texte fédéral – la section 230 du Communications Decency Act – qui leur assure une immunité pour toutes les décisions de modération. Ceci leur confère un pouvoir très important.

Certaines grandes plateformes numériques cherchent à consolider la suspension de Trump en l’absence de véritable cadre juridique. En effet, Facebook a pris le devant en saisissant son conseil de surveillance pour examiner sa décision envers Trump. Ce conseil est composé de sages (professeurs de droits, activistes, experts des droits civiques…). Il a été créé pour examiner les questions les plus sensibles liées à la modération et ses avis sont contraignants pour Facebook.

Toutefois, Twitter pour le moment ne veut pas revenir sur sa décision «Trump suspendu à vie». Cette décision a constitué pour le patron de Twitter Jack Dorsey un «échec» et a créé un précédent qui lui semble dangereux dans le fait qu’un individu ou une entreprise puisse avoir un pouvoir aussi important sur une partie de la conversation mondiale.

Entre liberté et régulation du monde digital, l’Europe est déjà mobilisée pour inventer un nouveau cadre avec l’aide de chercheurs, de sociologues et de philosophes.

En effet, la Commission européenne a publié, le 15 décembre 2020, les projets de règlements Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA). Ces projets ont pour objectif de créer un cadre de contrôle et de régulation du fonctionnement des réseaux sociaux, en vue de leur adoption début 2022 pendant la présidence française de l’union européenne.

Les deux projets sur le numérique (DSA) et (DMA) consistent d’une part à lutter contre la dissémination des contenus illicites ou préjudiciables et d’autre part à assurer un équilibre commercial entre les grands acteurs et leurs partenaires commerciaux.

Dans ce contexte, le secrétaire d’état français chargé des affaires européennes Clément Beaune a confirmé dans un communiqué de presse que «l’espace en ligne doit être un espace régulé» et que «l’Internet ne peut pas être un espace sans loi, ni droit».

Après avoir banni Trump, Twitter continue à changer sa politique, non seulement de la régulation des contenus mais aussi de la gestion des données.

Pour une raison mystérieuse, le réseau social Twitter a obligé le nouveau président Joe Biden de repartir à zéro pour le compte officiel du président des États-Unis, contrairement à 2016 où Trump avait récupéré les abonnés de son prédécesseur Barack Obama.

En revanche, les politiciens veulent garder la main pour se protéger du pouvoir de censure des géants du web. Ils espèrent que la décision unilatérale contre Trump va les obliger à collaborer avec les pouvoir publics vers des règles de modération claires et partagées.

Un bel exemple de méfiance, le chef de file de la France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a dévoilé son propre réseau « action populaire » dans sa stratégie de communication en ligne pour sa campagne électorale vers la présidentielle 2022 dans une interview avec la télé « France 5 » le 16 janvier.

En synthèse, la question de la régulation du Web se doit d’être clarifiée.

C’est le moment opportun pour avoir un nouveau cadre international fixant les obligations et le rôle des grandes plateformes numériques dans l’espace public, tout en préservant la liberté d’expression sur Internet et la démocratie.

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