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Abolition de la règle du plus bas soumissionnaire conforme: le premier ministre doit donner suite à son engagement

Photo: Archives
Benoît Larose - Collaboration spéciale

L’État québécois n’est pas reconnu pour se comporter en acheteur modèle avec une vision à long terme, peu importe le secteur économique. En effet, à l’instar des associations dont les membres négocient des contrats publics, Medtech Canada, qui représente les fournisseurs de technologies médicales, effectue depuis longtemps des représentations auprès du gouvernement du Québec afin d’améliorer les pratiques en matière d’approvisionnement et particulièrement en santé. Alors qu’on parle d’améliorer l’innovation et l’accès des PME aux contrats des organismes publics, nous ne constatons aucune volonté politique de s’attaquer au nœud du problème, l’adjudication du contrat au fournisseur qui a soumis le prix le plus bas.

Or, l’abandon de la « règle du plus bas soumissionnaire » est un engagement formel de la Coalition Avenir Québec (CAQ) lors de la dernière campagne électorale.

Il faut comprendre que ni les politiques d’achat ni le cadre législatif ne favorisent l’adjudication d’un contrat autrement que sur le prix. La Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) permet des ajustements à la marge pour la qualité, mais en réalité, c’est le prix qui prévaut dans 90 % des cas, selon une analyse réalisée par notre association. Contrairement à ce qu’on peut voir ailleurs au Canada ou dans le monde, il est en pratique impossible au Québec d’adjuger un contrat sur la base de la « meilleure valeur » qui tiendrait compte, par exemple, du caractère innovant d’un produit, de l’efficience qu’il procure, de sa rentabilité, de sa durabilité ou des impacts positifs qu’il peut offrir à ses utilisateurs ou aux patients. Et que dire de valoriser les chaînes d’approvisionnements, la qualité du service, le développement durable ?

La résistance à envisager d’autres modèles d’approvisionnement a des conséquences non seulement sur la qualité et la performance des soins, mais nuit à l’innovation et, il faut le reconnaître, nuit aux PME du Québec qui se démarquent davantage par l’innovation que par la quête du plus bas prix.

Ce que nous demandons au gouvernement du Québec arrive à un moment opportun. Alors que le gouvernement veut relancer l’économie et faire face à l’immense défi de rattraper les retards en chirurgies qui touchent près de 150 000 Québécois, il apparaît essentiel de faire des achats en santé un levier de développement pour nos PME innovantes. Ce faisant, nous bénéficierons des gains de productivité et de performance que les technologies médicales peuvent offrir, par exemple en augmentant l’efficience des services avec de l’équipement de pointe, en optimisant les plans opératoires à l’aide d’outils numériques et en permettant le recours plus souvent aux chirurgies endoscopiques et laparoscopiques. Il faut revoir nos façons d’acheter au Québec et offrir la meilleure valeur au citoyen. La crise sanitaire n’est pas un obstacle, mais bien une opportunité pour le gouvernement de changer les façons de faire.

Hélas, les annonces récentes montrent que le gouvernement continue à consolider et à centraliser les achats. On espère générer des économies substantielles en nivelant la qualité par le bas pour payer le moins cher possible. Il faut faire mieux.

La CAQ a promis d’abolir la règle du plus bas soumissionnaire conforme pour une formule qui tienne compte de la qualité et de l’analyse du comité de sélection. Par ailleurs, en 2019, le gouvernement du Québec a réitéré sa promesse de réviser l’application de la règle du plus bas soumissionnaire pour favoriser d’autres facteurs, comme la valeur globale offerte à long terme et l’encouragement à l’innovation. Dans le cadre du projet de loi no 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Christian Dubé, est revenu sur la possibilité de ne pas attribuer systématiquement les contrats au plus bas soumissionnaire conforme. Encore il y a quelques jours, la présidente du Conseil du trésor a confirmé avoir l’intention de toucher à la LCOP, mais l’incertitude demeure concernant l’intention du gouvernement de remplir son engagement concernant la fin de la règle du plus bas prix conforme.

En somme, l’abolition de l’obligation d’adjuger le contrat au fournisseur qui a soumis le prix le plus bas serait un gain pour le Québec. Non seulement s’agit-il de la seule façon efficace d’intégrer l’innovation dans le système de santé et de soutenir nos PME, mais il s’agit également de l’occasion pour le gouvernement de remplir une promesse qu’il a faite alors qu’une révision de la LCOP est dans l’air. Il faut enfin passer de la parole aux actes

 

Benoît Larose, vice-président Québec de Medtech Canada

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