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Il est encore possible de valider la réforme électorale: le temps est venu pour le jury citoyen

Photo: Archives
Jean-Sébastien Dufresne - Collaboration spéciale

Nous apprenions le 28 avril par la Ministre Sonia LeBel qu’un référendum sur la réforme du mode de scrutin ne se tiendra finalement par lors des élections de 2022, tel qu’il est prévu dans le projet de loi 39. La Ministre indiquait du même souffle que la réforme était toujours souhaitée et qu’elle cherchait une façon d’assurer sa validation citoyenne. Le temps est donc venu de proposer une avenue assurant cette validation tout en permettant au Premier ministre de respecter sa promesse électorale de réformer le mode de scrutin pendant son mandat : le jury citoyen.

S’il fallait maintenir l’idée de tenir un référendum après les élections de 2022, il en coûterait au bas mot 55 millions de dollars, selon ce qu’a affirmé le Directeur général des élections du Québec témoignant devant la Commission des institutions en janvier 2020. Et cela impliquerait une imposante campagne d’éducation du public de plusieurs millions de dollars et que l’ensemble des Québécoises et des Québécois s’approprient les enjeux de la réforme électorale. Au moment où nous sommes à nous rétablir d’une crise mondiale, l’idée de dépenser plusieurs dizaines de millions de dollars pour une consultation populaire n’ira pas très loin. Le jury citoyen, quant à lui, coûterait une fraction du coût d’un référendum, et permettrait à une assemblée non partisane de citoyennes et de citoyens de prendre le temps d’écouter les experts, tant en faveur qu’en défaveur du système proposé, de délibérer, puis de rendre un avis favorable ou défavorable. Et ce, à l’intérieur du présent mandat.

Les Québécoises et les Québécois sont prêts pour une réforme de leur mode de scrutin.

Un sondage Léger réalisé quelques mois après les élections de 2018 révélait que 70 % de la population souhaitait que le gouvernement de François Legault respecte sa promesse électorale de réformer le mode de scrutin. Et 84 % des répondants souhaitaient que le système électoral reflète le plus fidèlement possible le vote de toutes les Québécoises et tous les Québécois. En d’autres termes, une vaste majorité de Québécoises et Québécois comme vous et moi souhaitent une réforme qui permettrait une plus grande proportionnalité dans la composition de notre assemblée.

Et les raisons sont simples : le système britannique désuet qui nous a été imposé génère à chaque élection des écarts importants entre la volonté populaire exprimée par les votes et la répartition du pouvoir en sièges attribuée à chacun des partis à l’Assemblée nationale. Il en résulte très souvent des décisions prises par une minorité qui s’imposent à la majorité, et un incessant jeu de déconstruction et de reconstruction à chaque alternance du pouvoir. Face à ce problème, la quasi-totalité des pays industrialisés ont opté pour un système à finalité proportionnelle. Les avantages de ce système surpassent largement les inconvénients, et les quelques pays qui sont constamment mentionnés par les opposants comme démontrant de l’instabilité représentent l’infime minorité. Si le Québec s’entend sur le principe de la réforme, reste maintenant à valider le modèle spécifique.

Le gouvernement a amplement le temps de procéder à l’étude détaillée du projet de loi 39 à l’automne et de faire valider la réforme par un jury citoyen.

Selon un autre sondage Léger réalisé du 28 au 30 août 2020, 73 % des répondants estimaient que les politiciens sont en conflit d’intérêts lorsqu’il s’agit de prendre des décisions sur la façon dont nous votons pour les choisir et étaient favorables à ce que toute réforme devrait être évaluée par un comité de citoyens non partisan et indépendant. Une majorité du public semble être consciente du problème de partialité que pose le fait de compter sur les élus seuls pour s’entendre sur une réforme électorale.

Bien sûr, certains diront qu’une telle assemblée de citoyennes et citoyens ne serait pas totalement neutre et pourrait reproduire les biais partisans que l’on retrouve à l’Assemblée nationale. À la grande différence qu’il n’y aurait pas de conflit d’intérêts évident pour rendre un avis sur le système électoral, ce qui est le cas des élues et élus.

Les Québécoises et Québécois attendent depuis trop longtemps une réforme du mode de scrutin. Il est temps d’opter pour une avenue qui éviterait les écueils des tentatives précédentes afin de ne pas rater ce rendez-vous avec l’histoire. Nous pourrions alors obtenir une fois pour toutes la démocratie du 21e siècle que nous méritons, en étant assurés que les choix décisifs que feront nos décideurs pour répondre aux enjeux pressants d’aujourd’hui et de demain refléteront vraiment ce que nous sommes en tant que peuple.

Jean-Sébastien Dufresne a dirigé les travaux de concertation qui ont mené à l’entente transpartisane signée par les chefs de partis en 2018. Il a été président puis directeur général du Mouvement Démocratie Nouvelle de 2011 à 2020.

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