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Élizabeth Stefanka: «Être entrepreneure, c’est avoir un impact économique et social»

Photo: Pascal Duchesne

Élizabeth Stefanka est une entrepreneure chevronée qui entre deux contrats, s’en va conquérir le marché américains, publie des vidéos féministo-éducatives et veut repenser l’achat en ligne de vêtements.

Elle se considère une «geekette». Elle a fait Expo Science, Génie en Herbe. L’innovation la passionne. Dans ses bureaux, il n’y a aucun vêtement ou machine à coudre, ce sont des ordinateurs et plein de bébelles techno. «Je suis une nerd», me dit-elle.

Élizabeth Stefanka est la fondatrice et CEO de Stefanka, une entreprise de logiciels offrant aux détaillants de vêtements des solutions interactives. Le consommateur peut identifier facilement les items en magasin les plus adaptés à sa morphologie unique. L’entreprise s’est donnée pour mission de remettre le consommateur au centre du processus d’achat de vêtements. Au lieu de forcer l’acheteur à entrer dans un moule, l’équipe Stefanka lui construit un moule adapté. Et ça, c’est grâce à la technologie! Tout le monde a des morphologies différentes, chaque corps est unique. Ses clients sont pour l’instant tous Canadiens, mais je comprends entre les lignes que le marché américain leur ouvre la porte.

Lorsque Élizabeth Stefanka est devenue entrepreneure, elle a réalisé que ça voulait également dire avoir un impact économique et social autour de soi. «Je fais vivre des familles entières maintenant!» L’impact social n’est pas seulement auprès de ses employés, mais également ses potentiels employés: elle a déjà appris à une jeune femme qui venait d’arriver au Québec, qu’elle passait en entrevue d’embauche, qu’elle devait négocier son salaire. «En tant qu’entrepreneure, je vois ça comme un de mes devoirs.»

Élizabeth réalise des vidéos de quelques minutes qu’elle publie sur les médias sociaux, comme une sur l’équité salariale diffusée le jour de la Journée des Femmes. Elle veut éveiller les consciences et aider les autres à réaliser les différences entre les genres.

«Il faut inclure les hommes pour qu’ils prennent conscience, qu’ils réalisent certaines choses qu’ils ont eux aussi acceptées comme status quo.»

La cheffe d’entreprise se fait questionner par ses amis sur la nécessité de dire ces choses à haute voix alors que la parité est atteinte. Elle leur suggère un petit exercice qu’elle m’explique: «À ta prochaine réunion d’équipe, essaie de remarquer si des femmes prennent la parole, le nombre de fois qu’on va la leur couper et regarde celles qui ont envie de participer, mais finalement ne le font pas. Subtilement, essaie d’encourager les femmes à contribuer à la conversation. Un ami l’a fait et a réalisé qu’il y a effectivement une différence dans le temps de parole selon leur genre.»

Depuis qu’elle est entrepreneure, elle remarque ces différences. Elle se rend parfois à des événements où il y a quatre femme pour une centaine d’hommes. Certes, les femmes sont moins nombreuses en nombre absolu, mais pas à ce point-là! «Moi aussi j’ai pensé que les différences femmes/hommes étaient réglées, qu’elles appartenaient à la génération de ma mère.»

Si Élizabeth avait été un homme, ça n’aurait pas forcément été plus facile de monter son entreprise, ça aurait été différent. «Je suis consciente que le fait d’être une femme m’apporte de l’attention. En ce moment, il y a une vague pro-entrepreneure. Je ne suis pas dupe. Ça me permet d’avoir un certain rayonnement. Mais dans d’autres situations comme aller chercher un prêt, l’homme l’aurait eu plus facile. C’est différent!»

«Les innovateurs, les précurseurs sont des gens qui ne sont pas pris au sérieux jusqu’à ce que ce soit approuvé par la masse.» – Élizabeth Stefanka

La cheffe d’entreprise est une actrice de changement sur plusieurs points dont la protection de l’environnement et l’achat responsable. Élizabeth m’explique le chemin que suit l’achat d’un vêtement sur internet: «On achète un vêtement en ligne qui a été produit quelque part en Asie, par exemple. Un bateau l’emmène en Amérique du Nord, il est ensuite amené dans les centres de distribution en véhicule. C’est de la pollution. Puis, il arrive chez l’acheteur. Comme le vêtement ne convient pas à sa morphologie, la personne le renvoie. Il refait le trajet inverse. Le vêtement s’en ira en Asie et sera envoyé au déchiquetage. Tout ça parce que le vêtement ne convenait pas!»

L’entrepreneure souhaite que dans 20 ou 30 ans, ce soit du just in time. Le consommateur décide de faire un achat, la commande est envoyée au pays fabricant, c’est fabriqué selon la demande, c’est envoyé au consommateur sans va-et-vient. Certes, il y aurait un délais, mais là c’est de l’éducation au consommateur qu’il faut faire. Une autre option serait que si les détaillants sont conscientisés au fait que la population de Montréal a une grande diversité de corps et de morphologies. Par exemple, des vêtements qui mouleraient plus les fesses de femmes Noires. «Je viens de la Beauce où il y a moins de diversité alors il n’y a pas besoin d’avoir des grandeurs aussi diverses. Les volumes sont différents à différents endroits.»

Élizabeth me raconte qu’une étude est en cours pour déterminer les grandeurs des Nord-Américains. Elle a eu lieu à Montréal, en 2014, pendant le Festival Mode & Design, des gens volontaires rentraient dans un scanner corporel et les données étaient enregistrées.

À Montréal, on a besoin de s’approprier la technologie pour se démarquer et pour assurer de futurs emplois de qualité. Se démarquer sur le plan international car la compétition est partout. Dans l’industrie de la mode, on est 2 ans en retard dans l’intégration des nouvelles technologies. C’est énorme! Si un manufacturier veut perdurer et réussir à se démarquer et attirer de la main d’œuvre qualifiée, il va devoir se mettre à jour et devoir offrir des conditions respectueuses des gens. On a les talents et les moyens de mettre en place ce qui est nécessaire, au lieu de perdre nos entreprises comme Jacob ou Parasuco. Le gouvernement est assez réceptif, mais il faut que ça prend des décideurs comme les CEO d’entreprises.

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