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Les pauses cigarette sur la sellette

Depuis la rentrée, les fonctionnaires wallons voient leur pause cigarette soustraites de leur salaire. La raison? Un chef de service a rappelé l’existence d’une circulaire de 2009 qui exige que toutes les sorties soient soustraites du temps de travail. Cette mesure radicale pourrait-elle trouver un écho au Québec?

«Depuis 2009, l’interdiction de fumer sur les lieux de travail [en Belgique] a soulevé plusieurs questions comme l’égalité de traitement entre les fumeurs et les non-fumeurs ou la mauvaise image véhiculée par les fu­meurs qui glandent sur les trottoirs», analyse Bruno Henri Vincent, un avocat spécialisé en droit du travail à Bruxelles.

Si, pour lui, la Belgique se dirige vers «un bannissement pur et simple» de la cigarette sur les lieux de travail, certains fonctionnai­res n’excluent pas d’intenter un recours en justice pour protester contre les pertes de salaire engendrées.

Le problème, c’est que la pause cigarette en tant que telle n’existe pas, en Belgique ni ailleurs. «Les partenaires sociaux peuvent négocier une pause supplémentaire dans la journée, mais la loi ne prévoit qu’une seule pause après six heures de travail consécutif», explique le juriste.

Pas question, donc, d’accorder une pause spécifique aux fumeurs, ni de laisser les non-fumeurs remplacer leurs collègues. «En Belgique, personne n’a de pause particulière, mais la majorité des travailleurs peuvent aller chercher un verre d’eau, un café ou se rendre aux toilettes», résume Bruno Henri Vincent.

Seule porte de sortie pour les fumeurs choyés par leur entreprise : négocier une pause de 10 à 15 minutes le matin et l’après-midi. Or, ces pauses doivent concerner tous les salariés, et donc allonger le temps de travail. «La plupart des gens préfèrent revenir à la maison plus tôt le soir», ajoute le juriste.

Au Québec, c’est différent. «La mesure belge ne trouverait aucune application possible ici, puisque les fumeurs ne peuvent pas prétendre à une pause spécifique», résume Alain P. Lecours, un avocat spécialisé en droit des affaires.

Les fumeurs québécois peuvent donc profiter de leur pause du dîner pour fumer. Mais faute d’une entente avec l’employeur, ça s’arrête là. La pause cigarette de­meure illégale, puisqu’elle n’est pas reconnue comme un droit au même titre que celui d’aller aux toilettes.

«En général, les em­ployeurs ne suivent pas de dogme, résume M. Lecours. Lorsqu’il y a un litige, ils regardent avant tout la productivité, car ils savent très bien qu’il est possible d’être présent sans être productif!»

Un vide juridique en France
En France, cette question se heurte à «un vide juridique». Une pause est obligatoire après six heures de travail consécutif, tandis que les em­ployeurs doivent aussi éviter toute discrimination. «Autoriser une pause pour les fu­meurs revient à en prévoir une pour les non-fumeurs. Or, ces derniers ne demandaient rien jusqu’à présent!», rappelle Nadine Regnier-Rouet, une avocate parisien­ne spécialisée en droit du travail.

Si certaines entreprises exigent déjà que leurs em­ployés (fumeurs et non-fumeurs) déduisent le temps qu’ils passent en pause, d’autres sont tentées d’interdire toute sortie sur le temps de travail.

«Sur ces questions, la justice hésite et a tendance à émettre des jugements au coup par coup», résume l’avocate, qui cite le cas d’employés ayant été licenciés pour avoir passé trop de temps à fumer, tandis que d’autres ont été réintégrés dans leur entreprise. «Le problème, c’est que pendant qu’il fume, le salarié n’est plus disponible pour son entreprise», résume-t-elle.

De fausses cigarettes à l’intérieur?

Elles ont l’aspect d’une cigarette, mais comportent un inhalateur relié à un atomiseur et à une pile. Les cigarettes électroniques, composées d’un mélange de nicotine, d’arôme artificiel et de propylène de glycol, pourraient bien profiter d’un vide juridique pour s’implanter sur les marchés eu­ro­péens et nord-améri­cains.

«Seuls les produits du tabac ne sont pas autorisés sur les lieux de travail : si le produit n’émet ni fumée ni tabac, pourquoi serait-il interdit?», résume Alain P. Lecours, qui rappelle que les gommes de tabacs à mâcher, qui n’émettent pas de fumée, sont autorisées.

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