Soutenez

Heureux d’un printemps

Man holding lobster with bound claws. Horizontal shot. Photo: Getty Images/iStockphoto

Aux Îles, tout le monde esquissait un sourire en coin quand je parlais d’aller à la pêche au homard malgré la journée de mer agitée.

C’est Mario Déraspe, au téléphone, qui m’a dit franchement ce qu’il y avait de si drôle à vouloir l’accompagner. «Tu vas être malade ou tu vas tomber par-dessus bord, ma pauvre!» s’est-il esclaffé.

Le lendemain, c’est donc dans son bateau, pour l’heure amarré au quai de Cap-aux-Meules, que j’allais avoir mon baptême de pêche au homard, sous un ciel pluvieux. C’était un début…

«C’est un métier que j’exerce depuis plus de 40 ans. Il m’a été montré par mon père qui, lui, l’avait appris de son père», explique Mario Déraspe, petit homme costaud à la bouille sympathique. Dans l’étroite cabine de bois de son bateau nommé Maxime en l’honneur de son fils, le pêcheur porte encore ses pantalons cirés et ses grandes bottes, qui témoignent de la sortie en mer du matin.

Pendant les neuf semaines que dure la saison du homard, beau temps mauvais temps, il n’y a pas de répit pour les pêcheurs. En compagnie de son neveu Dany, Mario part chercher le homard six matins sur sept, respectant une chorégraphie cent fois répétée, de mai à juillet de chaque année.

Après s’être levé à 2h du matin, Mario passe au Tim Hortons chercher le café pendant que son neveu prépare les appâts. Ils se retrouvent au quai à 3h pour être à leur emplacement désigné deux heures plus tard. C’est là que Mario, grâce aux bouées colorées et au GPS, retrouve les cages laissées la veille au fond des eaux et dans lesquelles ont été placés de petits poissons – la böette – qui attirent les homards.

C’est au tour de Dany de tirer les 39 lignes remontant chacune 7 cages afin de récupérer les homards, puis de remettre celles-ci au fond de l’eau, non sans y avoir d’abord replacé la böette pour le lendemain. De cinq à sept heures d’ouvrage plus tard, il est temps de rentrer pour aller vendre les homards du jour aux acheteurs qui attendent aux sept quais des Îles et qui, eux, les vendront à des distributeurs.

Grâce à cette danse précise, à la fin de la saison, le duo aura pêché environ 25 000 lb du précieux crustacé, «le meilleur au monde», assure Mario en faisant un clin d’œil. Cette routine matinale, qu’il répète depuis l’âge de 16 ans, est de toute évidence chère au pêcheur. Ses yeux sincères brillent sous la palette de sa casquette quand il évoque ses débuts. «Oh que j’ai aimé ça dès le départ!» s’exclame le Madelinot, qui en perd sa timidité. «De toute façon, si t’aimes pas ça, tu fais pas ça longtemps. Les prix offerts aux pêcheurs varient beaucoup parce qu’il y a trop d’intermédiaires entre eux et les consommateurs.»

«Il y a des années où c’est rentable, mais d’autres où ça l’est pas pantoute. Mais sur l’eau, j’oublie tout ça.»

Malgré la passion qui l’habite, Mario ne voit pas de relève pour lui; son fils et sa fille, dont les photos ornent les murs de la cabine, ne montrent pas d’intérêt pour la pêche. Pour l’instant, sa relève, c’est son neveu Dany.

Les hommes du Maxime confirment que la pêche au homard est un travail exigeant physiquement, pour lequel il faut se lever pendant la nuit, à cause duquel on voit peu sa famille pendant deux mois, et qui offre une rémunération incertaine. Pourtant, Mario décrit les 10 mois de l’année pendant lesquels les pêcheurs vivent du chômage comme des «vacances forcées».

«En attendant le printemps, on entretient le bateau, on répare les cages… mais hé que l’hiver est long quand la pêche nous manque!»

Pour lire plus d’histoires d’artisans d’ici: cariboumag.com

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.