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Le pari réussi d’une entreprise de Montréal-Nord qui emploie des réfugiés

Photo: Nicolas Ledain / Metro Media

Depuis deux ans, l’entreprise de fabrication d’outils Clortech embauche des réfugiés syriens pour répondre à ses besoins de personnel. L’intégration de ces travailleurs est un succès dans l’usine nord-montréalaise.

Il y a deux ans, Aram Apkarian vivait encore dans l’enfer d’Alep. Son quotidien était rythmé par les bombes et la survie. Confronté à une guerre interminable qui ravage encore son pays, il a décidé de fuir la Syrie pour rejoindre le Canada avec sa femme et ses deux enfants.

«J’ai vécu six ans de bombardements. C’est terminé là-bas, il n’y a plus rien pour nous. J’ai eu peur pour mes enfants, donc je suis parti. En Syrie, c’était un crépuscule, le Canada est un nouveau jour», illustre-t-il.

Après avoir passé quelques semaines dans un camp de réfugiés au Liban, Aram et sa famille sont arrivés à Montréal grâce à un parrainage en 2016. Il a été embauché quelques jours plus tard par l’entreprise nord-montréalaise Clortech.

«Il ne parlait ni français ni anglais. Il est venu avec sa femme à l’entrevue et elle a fait la traduction. À la fin j’ai hésité, mais j’ai voulu essayer, raconte Patrick Mattei, le vice-président de l’entreprise. On a fait un pictogramme de tout ce qu’on a dans l’usine avec les traductions dans nos deux langues, ça a duré trois mois, ensuite on est passé à Google Translate et maintenant ça va bien.»

Comme Aram, trois autres Syriens et une Irakienne travaillent désormais chez Clortech. Ils ont facilement trouvé leur place parmi les autres employés au sein de cette entreprise familiale.

«Au bout de quelques semaines, ils prenaient déjà des pauses ensemble. Je me demande encore comment ils communiquent, mais ils y arrivent», s’étonne Patrick Mattei.

Ambiance familiale
Hrant Sanossian a aussi quitté Alep avec sa femme et ses deux enfants. Il a passé quatre ans dans un camp de réfugiés au Liban avant de débarquer au Canada. Après une première expérience professionnelle au Québec, il a été embauché par Clortech en février 2017.

«La première semaine, c’est toujours un peu bizarre, mais dès la deuxième semaine, on se sentait comme des membres de la famille. Ils nous ont tout expliqué, ils nous ont appris et ils ont tout organisé pour nous», souligne-t-il.

La secrétaire de l’entreprise livre un témoignage similaire. Irakienne d’origine, Arpik Mardroos est partie de son pays avec sa famille en 2007 en raison de l’instabilité pour s’installer à Damas en Syrie, qu’elle a de nouveau quittée en 2012 à cause de la guerre. Elle est reconnaissante envers la famille Mattei qui lui a fait confiance.

«Je n’ai jamais eu l’impression d’être une employée ici, je me sens dans une famille. C’est mon entreprise. Ils nous ont donné notre chance et je ne saurai jamais assez les remercier pour cela», confie-t-elle.

Investissement gagnant
C’est en voyant un reportage sur une manufacture de chaise de Saint-Laurent qui avait embauché des réfugiés que Patrick Mattei a eu l’idée de cette expérience. Même s’il a fallu former ces nouveaux employés qui manquaient de compétences, il assure qu’ils ont rapidement su faire leurs preuves. Son père Clorindo, le fondateur de l’entreprise, salue aussi cette initiative.

«Ça a été une très bonne idée, ils avaient peu d’expérience, mais ils mettent du cœur à l’ouvrage. Quand tu as vécu la misère, tu as envie de travailler et il faut te donner une chance», souligne le président fondateur.

Les deux responsables de l’entreprise saluent de plus l’implication et l’investissement exemplaires de ces travailleurs syriens. Clortech emploie aussi un Chinois, un Guatémaltèque ou encore des Arméniens et vante désormais cette ouverture sur le monde.

«Je n’ai pas toutes les nationalités, mais on couvre pas mal le monde. Quand tu fais une salade de gens, ça a toujours meilleur goût, compare Patrick Mattei. Tout le monde se sent lié à l’entreprise et tout le monde se ressemble.»

L’adaptation au Québec

L’arrivée au Québec est souvent difficile pour ces réfugiés syriens. Le climat, la société et la barrière de la langue compliquent encore plus ce déracinement. Arrivé avec sa femme et ses deux enfants il y a bientôt deux ans, Hrant Sanossian fait donc l’effort d’apprendre le français pour mieux s’intégrer.

«Je vais à l’école trois fois par semaine. J’y vais après le travail, donc je suis très fatigué et c’est une langue très difficile, mais tout le monde parle français ici et je veux apprendre à communiquer avec eux», explique-t-il.

Père d’un garçon de huit ans et d’une fille de six ans, il est toutefois impressionné par la capacité d’adaptation de ses enfants qui maîtrisent déjà le français.

Arrivé un an avant Hrant, Aram Apkarian est lui aussi fier de voir sa famille s’intégrer à cette société. Son fils de 24 ans étudie à l’université Concordia et sa fille de 20 ans au Collège Vanier. Si l’adaptation prend du temps, Aram s’habitue même à l’hiver glacial québécois.

«J’aime les saisons au Canada, quand j’étais jeune, je voulais venir ici et vivre cela, donc pour moi, c’est comme un rêve qui se réalise», se réjouit cet employé de Clortech.

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