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Un rêve de jeunesse

Photo: Yves Provencher | Métro

Une fois par mois, Métro propose, en collaboration avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Mont­réal (CRÉ), des portraits inspirants de Montréalais issus de l’immigration qui témoignent de leur parcours et de leurs succès.

Elle voulait voir le continent américain, souvent objet de fascination quand on l’observe depuis l’Europe. Sandrine Théard visait Toronto, mais le Québec s’est imposé sur sa trajectoire. Pour le meilleur.

Son récit fait écho à celui de nombre d’immigrants privilégiés. «J’ai conscience que je l’ai eue facile», confie Sandrine Théard. Elle n’a pas quitté son pays par nécessité, ne s’est pas exilée contrainte et forcée. Et elle sait que ça a pesé dans la réussite de son intégration. Pas moins fonceuse pour autant, pas du genre à s’asseoir sur la facilité, Sandrine Théard doit avant tout ses acquis à ses efforts et à son optimisme.

Elle a 19 ans quand elle débarque à Montréal pour un stage (alors étudiante à la maîtrise en administration). Peu de temps avant, elle a rencontré un Québécois en France, qui l’a convaincue d’oublier la Ville Reine. Trois mois de stage, et c’est «un véritable coup de foudre». Pour la ville, pour le Québécois en question, mais aussi pour les gens. «J’ai trouvé ici une ouverture d’esprit dont j’avais besoin. J’ai compris que la vie n’a pas besoin d’être compliquée.» Elle prolonge son séjour d’un mois, «pour pouvoir fêter [ses] 20 ans ici.» Puis rentre en France pour mieux revenir un an plus tard, résidence permanente en poche.

L’agence de placement à laquelle elle s’adresse préfère la garder plutôt que de l’aider à se faire embaucher ailleurs. Après deux mois en sol mont­réalais, Sandrine devient recruteuse, en plein dans son domaine des ressources humaines. Elle est promue formatrice un an et demi plus tard. Elle passe ensuite par une autre entreprise, au recrutement toujours, avant de se lancer à son compte. Attirée par la flexibilité que cette façon de travailler permet, elle y comble son besoin d’action et de diversité.

Depuis 2002, elle est donc consultante en recrutement et formatrice de recruteurs. Pas trouvé meilleur titre? Elle éclate de rire quand on lui demande comment elle se définit professionnellement. «Je suis très mauvaise pour servir ma propre marque professionnelle, alors que c’est ce que je fais pour les autres! Recruteuse-formatrice, ce n’est pas beau. Je ne sais pas trop quel titre me donner.» Le classique du cordonnier mal chaussé, pas handicapé pour autant. Les affaires roulent, la clientèle est fidèle et variée. Depuis quatre ans, Sandrine Théard organise la «non-conférence» TRU Mont­réal, portant sur des méthodes innovatrices de recrutement, qui est inspirée d’une initiative londonienne et qui fait des petits dans le monde entier.

Elle l’a eue facile, donc, mais ne nie pas qu’immigrer comporte sa part de pincements au cœur. Même quand on le fait par choix. Elle est indéniablement ici chez elle, très attachée au pays. Mais porte toujours une pointe de culpabilité chaque fois qu’elle dit au revoir aux amis et à la famille après un séjour en France. Elle a le cœur un peu gros en réalisant que le nombre de fois où ses enfants verront leurs grands-parents tient en deux poignées. «C’est très égoïste de partir, on impose notre choix aux gens», souligne-t-elle. Lucide et sereine face à ce sentiment complexe, elle met les choses en perspective. Sans tomber dans l’angélisme ni ignorer les enjeux sociétaux du Québec, Sandrine s’estime choyée de vivre dans un pays paisible. Et éprouve un véritable amour pour son Montréal multiethnique.

Si elle devait donner un seul conseil aux aspirants Québécois, ce serait de n’avoir aucune attente. «Ça règle tout!» Pas de déception, pas d’échec. «On recommence tout à zéro quand on immigre, c’est ça qu’il faut comprendre.» Pas d’attente ne signifie pas pour autant pas d’ambition. Il faut lancer des lignes, frapper aux portes, désirer apprendre. «Rabaisse tes attentes, mais démontre que tu es capable: tu vas vite évoluer», conseille Sandrine Théard.

L’émission de Radio-Canada International Tam-Tam Canada a produit une version radio de ce reportage. Réalisée par la journaliste Anne-Marie Yvon, cette émission est
disponible sur le site de RCI.

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