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La consanguinité entre les animaux n’est peut-être pas si nocive

Selon des chercheurs, leurs découvertes pourraient avoir de vastes implications pour la biologie de la conservation Photo: iStock
Daniel Casillas - Metro World News

La théorie de l’évolution a démontré que les animaux tolèrent, ou même préfèrent, l’accouplement avec des parents génétiques. Métro enquête sur ce qui se cache derrière une nouvelle étude qui a confirmé que la consanguinité n’est pas dangereuse comme nous avons l’habitude de le penser.

De produire des descendants à partir de l’accouplement entre deux organismes génétiquement apparentés est une pratique assez courante dans le règne animal. Bien qu’elle ait été condamnée par les humains, une étude récente menée par des chercheurs de l’Université de Stockholm, en Suède, et publiée dans la revue Nature Ecology and Evolution a révélé le peu d’appuis que génère l’hypothèse selon laquelle la consanguinité est mauvaise et doit être évitée en toutes circonstances.

«Les gens supposent que les animaux devraient éviter de s’accoupler avec un individu apparenté lorsqu’ils en ont l’occasion, indique à Métro Raïssa de Boer, une chercheure en zoologie à l’Université de Stockholm. Mais la théorie de l’évolution nous dit, depuis plus de quatre décennies, que les animaux devraient tolérer, voire préférer s’accoupler avec des membres d’une même famille dans un large éventail de conditions.»

«Nous abordons «l’éléphant dans la pièce» des études d’évitement de la consanguinité en renversant l’hypothèse répandue selon laquelle les animaux éviteront la consanguinité dans la mesure du possible»,

Raïssa de Boer, chercheure en zoologie à l’Université de Stockholm, en Suède.

L’étude fournit une synthèse de 139 études expérimentales sur 88 espèces couvrant 40 ans de recherche, et aborde le débat de longue date entre les attentes théoriques et empiriques quant à savoir si et quand les animaux doivent éviter la consanguinité.

À la suite de cet examen documentaire exhaustif, l’enquête a démontré que les animaux tentent rarement d’éviter de s’accoupler avec des individus apparentés, une conclusion qui était cohérente dans un large éventail de conditions et d’approches expérimentales.

«Les animaux ne semblent pas se soucier de savoir si leur partenaire potentiel est un frère, une sœur, un cousin ou une personne non apparentée lorsqu’ils choisissent avec qui s’accoupler», mentionne Regina Vega Trejo, une chercheuse à l’Université de Stockholm et co-auteure de l’étude.

Les scientifiques pensent que ces découvertes peuvent avoir d’importantes implications pour la biologie de la conservation et appellent ceux qui sont engagés dans les efforts de conservation à les prendre en compte.

«Un objectif principal des efforts de conservation est de maintenir la diversité génétique, et le choix du partenaire devrait généralement permettre d’atteindre cet objectif. Nos résultats incitent à la prudence dans l’application du choix du partenaire dans les programmes de conservation», a conclu John Fitzpatrick, un professeur agrégé de zoologie à l’Université de Stockholm et auteur principal de l’étude.


Trois cas de consanguinité dans le règne animal

Abeilles

Les abeilles sont l’une des espèces les plus connues pour pratiquer la consanguinité puisque la survie des ruches en dépend. La mère ou la reine des abeilles s’accouple avec sa progéniture pour garder la ruche pleine.

Mangoustes

C’est là un autre cas de consanguinité parmi les animaux. Les «chefs» des groupes de mangoustes se reproduisent avec des individus qui leur sont apparentés.

Gorilles de montagne en Afrique

La consanguinité a fourni à ces singes une solution au déclin des populations, qui les avait rapprochés de l’extinction. Certaines études ont révélé que la population de gorilles a augmenté grâce à l’accouplement entre les membres d’une même famille.


5 questions pour…

Regina Vega Trejo, chercheure à l’Université de Stockholm, en Suède

Q: Pourquoi avez-vous décidé d’étudier la consanguinité ?

– Eh bien, au cours des 40 dernières années, de nombreuses études ont testé si les animaux évitaient effectivement de s’accoupler avec des parents. Mais celles-ci se concentrent souvent sur une seule espèce. Par exemple, en donnant à un poisson, une araignée, un oiseau ou un papillon la possibilité de choisir un frère ou une personne non apparentée avec qui s’accoupler. Ce qui nous manquait, c’était la vue d’ensemble. Les animaux, en général, évitent-ils de s’accoupler avec des individus apparentés ou non ? Nous avons donc pris toutes ces études expérimentales et fait un sommaire des résultats. De cette façon, nous pourrions avoir une vue d’ensemble sur la question de savoir si les animaux évitent généralement de s’accoupler avec des individus apparentés.

Q: Pourquoi les animaux n’évitent-ils pas de s’accoupler avec des parents ?

– Dans certains cas, il peut être plus coûteux de ne pas s’accoupler du tout que de s’accoupler avec des membres d’une même famille. Dans notre étude, nous avons constaté que les animaux ne se souciaient pas du partenaire à choisir dans 73% des études, évitaient la consanguinité dans 17% des études et préféraient la consanguinité dans 10% des études. Les animaux peuvent vouloir éviter de s’accoupler avec des individus apparentés, car la consanguinité peut potentiellement affecter négativement la progéniture. L’une des prochaines étapes consiste à quantifier la dépression de consanguinité chez ces espèces, afin de bien comprendre pourquoi ne pas éviter les parents semble si courant.

Q: Est-ce que les humains ont «démonisé» la consanguinité ? 

– En tant qu’humains, nous n’épousons généralement pas notre frère ou notre sœur. Non seulement est-ce socialement inacceptable, mais nous savons aussi que cela peut affecter négativement nos enfants. Et nous nous attendons à ce que cela s’applique également aux animaux et qu’ils ne s’accouplent pas avec des membres d’une même famille. En fait, si vous demandez à un groupe de personnes: «pensez-vous que les animaux devraient éviter de se reproduire avec un individu apparenté ?» Il y a de fortes chances qu’ils répondent tous: «oui, bien sûr !» Et cela est compréhensible, étant donné que l’accouplement avec des membres d’une même famille peut être mauvais, du moins pour la progéniture. Mais ce n’est pas si simple. Les animaux peuvent ne pas s’en soucier ou même préférer s’accoupler avec des individus apparentés et c’est ce que nous voulions savoir.

Q: Alors, est-ce que la consanguinité est mauvaise pour les animaux ?

– Il n’y a pas de réponse directe à cela. Nous suggérons qu’une voie de recherche intéressante pour l’avenir consisterait à combiner des informations sur la dépression de consanguinité et l’évitement de la consanguinité. Il pourrait y avoir certains avantages à la consanguinité étant donné que la moitié des gènes proviennent de vous et l’autre moitié de votre partenaire. Vous partagez beaucoup de gènes avec les membres de votre famille et si vous cherchez à transmettre autant de vos gènes que possible à la prochaine génération, alors l’accouplement avec un individu apparenté pourrait être un excellent moyen de le faire. Cependant, l’un des principaux facteurs invoqués pour justifier la consanguinité est la réduction des coûts de la dépression de consanguinité. Nous soulignons dans notre étude que ces coûts peuvent toujours être là, mais il reste à tester s’ils sont plus élevés que l’absence d’accouplement.

Q: Comment votre recherche aide-t-elle ?

– Les programmes d’élevage en captivité pour les espèces menacées utilisent plus couramment le choix du partenaire pour assurer une future génération de ces animaux. Par exemple, chez les pandas géants, ils ont découvert que s’ils testaient d’abord quels animaux s’aimaient bien, les chances de naissance de bébés pandas en bonne santé étaient plus élevées que si un mâle et une femelle aléatoires étaient jumelés. Eh bien, nous constatons qu’il faut être prudent lorsqu’on se fie aux animaux pour choisir le meilleur partenaire, car cela peut signifier que la consanguinité peut se produire, ce qui n’est pas bon pour le maintien de la diversité génétique.

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