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«Le bitcoin n’est pas l’affaire des autorités boursières»

Les régulateurs boursiers canadiens s'intéressent depuis quelque temps au cryptomonnaies comme le Bitcoin. Photo: iStock/Getty Images

Les gendarmes financiers du pays ne pourront pas dire qu’ils ont été mal conseillés. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) avaient en mars dernier présenté un projet d’encadrement des plateformes de négociation de cryptoactifs, notamment pour lutter contre les risques de perte et de vol particulièrement accrus pour ces entités.

«Mais les régulateurs boursiers canadiens ne font pas la distinction entre les types de cryptoactifs et mettent dans le même sac plus de 2000 « choses » tout comme ils donnent une seule et même catégorie aux plus de 200 plateformes existantes», déplore Elisabeth Préfontaine, experte en technologies financières et fondatrice du cabinet de recherche indépendant Octonomics.

Forte de 25 années d’expérience dans la jungle financière canadienne, elle vient de publier le rapport étoffé qu’elle a récemment remis aux autorités pour détricoter leurs tentatives maladroites de dompter le bitcoin qui, juge-t-elle, portent préjudice aux entrepreneurs, complexifient encore davantage les relations bancaires et désinforment le public.

«Quand il est question de Bitcoin, les régulateurs boursiers sortent de leur juridiction. Comparons avec le cas de l’or ou de l’immobilier qui ne sont pas des valeurs mobilières et pourtant sont inclus dans des produits financiers réglementés», estime la fondatrice d’Octonomics.

Elisabeth Préfontaine se défend de faire la promotion des cryptos dans un intérêt commercial, mais souhaite éviter une position désavantageuse pour les investisseurs canadiens. D’emblée parce que les autorités tentent de réguler des éléments qu’elles n’ont même pas encore clairement définis.

Car, selon elle, il persiste un a priori négatif, un biais dans l’approche des gendarmes financiers qui semblent ainsi mener une campagne contre ces progrès technologiques que sont les actifs cryptographiques avec «un matériel pédagogique faiblard et trompeur».

Elisabeth Préfontaine s’interroge simultanément sur la potentielle injustice que risqueraient de créer les autorités canadiennes en privilégiant «les riches», à savoir les investisseurs accrédités, qui pourraient alors investir dans des fonds crypto, tout en interdisant l’accès au marché pour les plus petits particuliers. Sans oublier dans ce cas le problème du double standard concernant les obligations d’information sur les risques et la responsabilité du client final.

Quant à l’épineuse question de la sécurité du consommateur, la fondatrice d’Octonomics considère que plus de régulation ne résoudra pas les piratages informatiques, arnaques ou vols de données personnelles.

«La concurrence, les solutions technologiques, l’implication personnelle et l’éducation seront plus efficaces que le plus zélé des bureaucrates», affirme la spécialiste en fintechs et cryptoactifs.

Concédons que les législateurs et régulateurs sont généralement confrontés au changement technologique sans préparation, forcés de penser différemment pour s’adapter.

Et la mise en place de garde-fous reste un procédé asymétrique. Les autorités ne seront en quelque sorte pas récompensées pour la protection efficace des consommateurs.

Dans le cas précis du bitcoin et de ses homologues, les régulateurs éprouvent d’autant plus de difficultés qu’ils évoluent dans des silos administratifs, les uns veillant sur les valeurs mobilières, les autres sur les matières premières, les banquiers centraux sur la monnaie.

«Les cryptoactifs brouillent ces lignes. Ce qui se profile à l’horizon, c’est la possibilité d’avoir un échange mondial, ouvert et interopérable de la valeur comme les données», expose Elisabeth Préfontaine, laissant comprendre l’impact considérable que cela a pour les notions de propriété, de conservation, de dépôt touchant les services de courtage en valeurs mobilières.

Bref, il s’agit d’un changement de paradigme que les régulateurs boursiers canadiens doivent mener avec précaution car ils risqueraient, en imposant des normes disproportionnées, de freiner le développement d’une industrie prometteuse.

«Ils doivent être conscients de la stigmatisation qu’ils peuvent infliger à des entrepreneurs légitimes qui tentent de construire un commerce au service des Canadiens. Les bons acteurs de cet écosystème ont un intérêt direct à protéger le public contre les charlatans», conclut la fondatrice d’Octonomics.

 

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