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Le studio Blizzard empêtré dans une crise politique complexe à Hong Kong

Blizzard
Mei, un des personnages clé du jeu «Overwatch», devenu symbole pro-démocratie. Photo: Collaboration spéciale avec Blizzard

Le studio de jeux vidéos Blizzard est tombé dans la crise politique qui sévit à Hong Kong, après avoir suspendu un joueur pro-démocratie. Les jeux vidéos sont-ils devenus un enjeu géopolitique majeur dans la crise à Hong Kong?

Épisode 1: Blizzard suspend un joueur de Hong Kong

L’évènement se déroule le dimanche 7 octobre. Le joueur hongkongais Chung «Blitzchung» Ng Waifor annonce son soutien envers les manifestants pro-démocratie de la ville, qui bénéficie d’une certaine autonomie vis-à-vis la Chine continentale.

Deux jours plus tard, Blizzard, connu notamment pour la série Warcraft, décide de suspendre le joueur professionnel. Il lui est maintenant interdit de participer pendant un an à la ligue Grandmasters, championnat le plus élevé du jeu de carte en ligne Hearthstone. L’entreprise l’a même privé des 10 000$ qu’il avait déjà remportés durant la saison.

«Comme vous le savez, il y a de graves manifestations en ce moment dans mon pays. Mon appel sur le stream était simplement une autre forme de participation aux manifestations, je veux qu’elles soient plus connues. J’ai mis beaucoup d’efforts dans ce mouvement social ces derniers mois, à tel point que par moments, je ne parvenais pas à me concentrer sur la préparation de mon match du Grandmasters. Je crois que c’est mon devoir de dire quelque chose sur ce sujet.» – Chung «Blitzchung» Ng Waifor

Le compte «Inven Global» publie la vidéo de ladite entrevue, et ajoute «le joueur hong-kongais de Hearthstone, Blitzchung, appelle à la libération de son pays lors d’une entrevue post-match.»

«Blitzchung» a partagé sa prise de position lors d’une entrevue après-match diffusée en marge du championnat. Les deux intervieweurs présents ont été licenciés par le studio.

Épisode 2: les trolls répliquent

Scandalisés par l’action du studio de jeux vidéos, les joueurs ont d’abord réagi en faisant de Mei, un des personnages clé du jeu Overwatch, un symbole pro-démocratie.

«Ce serait dommage si Mei, d’Overwatch devenait un symbole de la démocratie et faisait bannir les jeux de Blizzard de Chine», ironise un joueur sur Twitter.

Le but de cette démarche est en effet de faire bannir le jeu en Chine. Le gouvernement chinois a d’ores et déjà fait bannir des entreprises montrant, d’une manière ou d’une autre, un soutien envers les manifestations.

Les fans des jeux de Blizzard ont également tenté de remplacer leurs pseudonymes de joueurs avec des noms montrant leur appui aux manifestants de Hong Kong, tels que «FreeHongKong».

Rapidement, le studio interdit l’utilisation de ce genre de pseudonyme, comme le montre ce tweet.

Épisode 3: place au boycott

La communauté «gaming» a fortement réagit aux décisions de Blizzard. Elle décide de lancer le hashtag «#BoycottBlizzard» et de boycotter les jeux de la marque. Jeudi, le hashtag obtenait plus de 700 tweets par heure.

Les joueurs se tournent également vers des alternatives des jeux de la firme et appellent désormais à un boycott de l’évènement annuel du studio: la Blizzcon.

L’événement doit avoir lieu le 1er et 2 novembre. Sur Reddit, certains ont déjà prévu de venir habillés en rouge, en signe de soutien aux manifestants hongkongais.

Épisode 4: Blizzard réagit

Pour éviter le boycott en masse de ses joueurs, le studio demande désormais une photo d’identité issue par le gouvernement des joueurs. Un scandale pour les «gamers» qui ne peuvent plus supprimer leur compte aussi facilement qu’auparavant.

Des joueurs en colère prennent d’assaut le réseau Twitter pour critiquer cette nouvelle manoeuvre. «N’EMPIREZ PAS LA SITUATION», s’exclame ce joueur cherchant à suspendre son abonnement.

Mais les demandes d’annulation des abonnements continuent d’affluer sur les serveurs du studio, qui ne voit d’autre solution que d’empêcher, purement et simplement, les demandes liées à une suspension de compte, comme le relève cet utilisateur.

Épisode 5: les employés rejoignent le mouvement

C’en est trop pour les employés de la firme. Après ces nombreuses annonces et le mouvement #BoycottBlizzard, les employés ont manifesté devant les locaux du siège de Blizzard, en Californie. Parapluie à la main, symbole de la lutte hongkongaise, ou encore en recouvrant de grandes feuilles de papier les devises du studio: «Pensez globalement», et «Toutes les voix comptent», gravées à l’entrée du bâtiment principal.

«Chez Blizzard, tout le monde n’est pas d’accord avec ce qui est arrivé». Les photos des valeurs du studio, recouvertes par du papier, font vite le tour du réseau social.

Épisode 6: des retombées douloureuses pour le studio

Les retombées négatives pour le studio sont déjà bien visibles. Depuis la suspension du joueur, les actions de Blizzard n’ont cessé de couler en Bourse.

https://twitter.com/jacquelinclem/status/1182306391157030912

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le studio n’a pas réagi publiquement à cette crise.

Seul un tweet du studio a été aperçu sur le Twitter chinois, dans lequel Blizzard s’excuse… auprès du gouvernement chinois.

Blizzard, «énervé et déçu», explique que «comme toujours, nous défendons la dignité et la fierté de la Chine». Le studio s’objecte à «l’expression de convictions politiques personnelles» lors de ses évènements. Aucun commentaire n’a été fait par l’entreprise sur son compte Twitter anglophone.

Les studios concurrents commencent eux aussi à réagir à cette saga politique.

Epic Games, à l’origine des succès Fortnite ou Gears of wars, entre autres, a expliqué au magazine The Verge qu’il «supporte le droit de chacun d’exprimer son avis sur la politique ou les droits humains. Nous ne bannirions ou ne punirions pas un joueur de Fortnite ou un créateur de contenu pour avoir parlé de ces sujets.»

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