Récupérer les drames

Photo: Archives | Josie Desmarais/TC Media

L’accident de l’autoroute 40 est horrible. Mourir dans les flammes dans l’habitacle d’un camion, c’est une mort atroce. Les images étaient saisissantes, et c’est le sujet de l’heure dans les médias et sur la twittosphère. Et comme pour toute bonne tragédie, les opinions fusent sur l’internet, dans les cafés et dans les bars. Mais une pensée semble plus populaire et très partagée : «Personne n’est venu en aide à Carol Bujold lorsqu’il a essayé de sortir la victime du camion.», «Nous sommes individualistes, centrés sur nous-mêmes. Moi, je l’aurais aidé!» J’ai lu et entendu ces commentaires plusieurs fois cette semaine. Ils me dérangent.

Je ne sais pas si c’est l’abondance de films sur les superhéros ou la récente sortie de Suicide Squad, mais ce n’est pas donné à tout le monde de risquer sa vie pour sauver son prochain. Il ne faut pas oublier que l’humanité est fondée sur l’instinct de survie. Je connais très peu de gens qui tenteraient de sortir un homme d’un camion-citerne enflammé. «Pourquoi les gens prennent-ils des photos au lieu d’aider la victime?», «J’aurais tenté de le sauver moi!». De la fausse compassion à distance, de l’héroïsme virtuel, c’est bon seulement sur Facebook, ça! Il faut le dire, M. Bujold a démontré beaucoup, beaucoup de courage et d’humanité. En plus d’avoir été brûlé aux mains, il sera hanté pendant de longues années par les mots de la victime: «Sors moi d’ici, je ne veux pas mourir.»

À mon grand désarroi, après chaque tragédie, il y a toujours des observateurs pour juger du comportement des autres. Il est possible de donner un contrepoids politique au moment d’un drame, par contre, mais il faut bien choisir ses batailles. Plusieurs écologistes et politiciens ont instrumentalisé le drame de l’autoroute 40 pour dénoncer l’industrie pétrolière. Disons-le, cet événement est extraordinaire et rarissime. Effectivement, il faut revoir nos façons de vivre et de faire, le transport du pétrole est un enjeu important. Pourtant, je n’aurais pas utilisé ce drame pour faire passer mon message et mes convictions personnelles. J’ai entendu des parallèles extrêmement douteux avec les pipelines et le projet Énergie Est. Martine Ouellet, une politicienne que je respecte, écrivait sur Facebook: «La tragédie survenue sur l’autoroute 40, à Montréal […] nous rappelle à quel point le transport de pétrole est dangereux pour notre sécurité à tous. C’est pourquoi je demande un audit global sur le transport de pétrole, que ce soit par camion, par train, par bateau ou par pipeline.»

Il faut comprendre que ce camion-citerne alimentait une station d’essence à Montréal, et ce n’est pas demain que nous pourrons procurer de l’essence aux automobilistes sans ces camions. Moi aussi, j’ai déjà instrumentalisé un drame pour parler d’environnement, dans un papier sur Fort McMurray. On me l’a reproché! À ce moment, j’ai profité de l’attention médiatique, la cible était juste, pas un simple camion, une industrie entière, une ville, une industrie polluante, un système économique archaïque. Pour moi, c’était le moment opportun d’en parler.

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