L’éthique de Jean Charest

L’ex-journaliste Pierre Duchesne aurait manqué d’éthique en mûrissant une éventuelle candidature pour le Parti québécois alors qu’il couvrait toujours l’actualité politique à Québec. C’est en tout cas la prétention du Parti libéral du Québec et de son chef.

Pourtant, le Parti libéral, au pouvoir depuis neuf ans, n’a jamais jugé bon de porter plainte pour un seul parmi les centaines de reportages que Pierre Duchesne a produit pendant la même période.

Les journalistes sont aussi des citoyens avec leurs idées et des convictions, et ils peuvent un jour décider de quitter leur rôle de commentateur pour celui d’acteur. René Lévesque et Claude Ryan l’ont fait avant monsieur Duchesne, et plus récemment Gérard Deltell, Bernard Drainville, Raymond Archambeault et Christine St-Pierre, cette dernière étant toujours ministre dans le cabinet de monsieur Charest.

L’intervention personnelle du premier ministre, qui a presque laissé entendre que le journaliste Duchesne avait été un agent double du Parti québécois, serait comique si elle ne témoignait pas d’un aussi profond cynisme.

En 1990, monsieur Charest, jeune ministre conservateur au fédéral, avait dû démissionner de son poste pour avoir appelé personnellement un juge et tenté de faire pression sur lui.

L’an dernier, à l’occasion des audiences de la Commission Bastarache, on apprenait qu’une des employées de monsieur Charest apposait des « post-it » sur les curriculum vitae de candidats à la magistrature afin d’indiquer leur allégeance politique au premier ministre, qui n’aurait d’ailleurs jamais dû voir ces candidatures puisqu’il s’agit traditionnellement d’une prérogative du ministre de la Justice.

Voilà pour l’éthique de notre premier ministre en matière d’indépendance du judiciaire.

Lorsqu’il a succédé à Daniel Johnson, monsieur Charest avait accepté le versement d’un supplément de 75 000 $ comme chef du parti libéral, supplément qu’il a maintenu une fois député, puis premier ministre. Il ne voyait visiblement pas de problème à ce que des financiers du PLQ paient directement une partie de son salaire.

Fin 2009, on apprenait que chaque ministre libéral devait recueillir 100 000 $ par an pour les coffres du parti, ce qui les plaçait potentiellement dans des situations délicates avec d’éventuels fournisseurs du gouvernement.

Il y a quelques années, Jean Charest avait aussi modifié les règles d’éthique qui s’appliquaient aux ministres afin de permettre à son collègue David Whissel de garder des parts dans l’entreprise familiale, qui faisait affaire avec le gouvernement (les règles ont encore été changées par la suite, et David Whissel a quitté la politique).

Voilà pour l’éthique de notre premier ministre en matière de conflits d’intérêts.

Lors du débat des chefs à l’élection de 2003, monsieur Charest avait travesti une intervention de Jacques Parizeau faite plus tôt dans la journée, l’accusant d’en avoir remis sur sa déclaration de 1995 sur « l’argent et le vote ethnique ». Le coup-surprise porté devant deux millions de téléspectateurs à Bernard Landry, qui n’était pas au courant et n’a pu rétablir les faits que le lendemain, lui a été fatal.

Voilà pour l’éthique de notre premier ministre en matière de vérité et de fair-play.

Enfin, lorsqu’il est devenu chef du PLQ, monsieur Charest avait surpris, voire choqué ses propres députés, en leur disant qu’ils devaient apprendre à « haïr » leurs adversaires, comme si la seule utilité des travaux de l’Assemblée nationale était d’y marquer des points pour se faire réélire.

Voici pour l’éthique parlementaire de notre premier ministre et son respect des députés des autres partis.

On ne s’étendra pas sur les ex-membres de l’entourage du premier ministre qui ont fait le saut chez des entreprises du domaine de l’énergie, de l’attribution pour le moins suspecte de places de garderie à des donateurs libéraux et de tout ce qui a mené à la Commission Charbonneau, sans que cela n’émeuve monsieur Charest outre mesure.

Pour le premier ministre, les règles éthiques sont manifestement des concepts changeants qui ne s’appliquent qu’aux autres. Cela fait de lui une personne aussi qualifiée pour donner des leçons d’éthique que Ronald McDonald peut l’être pour ce qui est de promouvoir une saine alimentation.

Mais, comme disait l’autre, « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. »

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