États-Unis: des réfugiés votent pour la première fois

Bawi UK, 22 ans, à droite, discute avec son frère, Leng Nung, 20 ans, dans l'appartement qu'ils partagent à Providence Photo: David Goldman/AP Photo
Anita Snow - The Associated Press

PHÉNIX — Triés sur le volet par les États-Unis en vertu d’une vieille tradition humanitaire, ils sont arrivés de pays comme le Myanmar, l’Érythrée et l’Irak pour échapper à la guerre et à la persécution.

Aujourd’hui, des dizaines de milliers de réfugiés accueillis sous l’administration Obama sont des citoyens américains, et ils voteront pour la première fois lors de ce qui pourrait bien être l’élection présidentielle la plus déterminante de leur vie.

Alors que certains États ont déjà commencé à envoyer les bulletins de vote par anticipation, ceux qui voteront pour la première fois dans des États allant de l’Arizona à la Floride sont excités, mais aussi bien conscients de cette responsabilité qu’ils ont d’aider à choisir le prochain leader du pays.

Le gagnant décidera du sort de ce programme de réinstallation qui leur a donné accès à une nouvelle vie, mais que le président Donald Trump a éviscéré et qu’il pourrait entièrement abolir lors du prochain exercice fiscal.

«La plupart des réfugiés fuient vers ce pays pour échapper à des systèmes politiques où le gouvernement n’est pas leur ami, a dit Hans Van de Weerd, le vice-président responsable de la réinstallation pour l’International Rescue Committee, une grande agence qui amène des réfugiés aux États-Unis. Il est très important pour eux de se faire entendre.»

Les administrations républicaines et démocrates ont accueilli en moyenne un peu moins de 100 000 réfugiés par année depuis 40 ans, mais l’administration Trump a imposé un plafond de 18 000. Seulement la moitié de ce nombre sont arrivés cette année en raison de la pandémie.

Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre si M. Trump est réélu. Son rival démocrate, Joe Biden, a promis de poursuivre un objectif de 125 000 réfugiés accueillis chaque année.

On ne dispose pas de données officielles, mais le National Partnership for New Americans a prédit que 860 000 immigrants obtiendraient le droit de vote cette année, même si les frais à acquitter pour devenir citoyen américain ont bondi de 83 %, passant de 640 $ US à 1170 $ US — pour ne citer que cet obstacle.

Les cours de citoyenneté offerts par l’International Rescue Committee ont aidé quelque 6000 réfugiés à devenir des citoyens américains chaque année, depuis quelques années. D’autres groupes font de même.

Les données du département de la Sécurité intérieure démontrent que les réfugiés et les demandeurs d’asile sont les plus susceptibles d’accéder à la citoyenneté, avec un taux de naturalisation de 70 % lors de leur première décennie au pays. Les réfugiés peuvent demander la citoyenneté américaine après cinq ans comme résidants permanents.

Une fois officiellement devenus des Américains, ils peuvent s’inscrire pour voter.

«Ils sont tellement nombreux à vouloir voter cette fois», a dit Basma Alawee, une réfugiés qui collabore la Florida Immigrant Coalition. Cet organisme organise des séances en ligne pour aider les réfugiés à se préparer en vue du vote.

Née en Irak et aujourd’hui une citoyenne américaine qui vit à Jacksonville, en Floride, Mme Alawee déposera elle aussi son premier vote présidentiel le 3 novembre.

Voici ce qu’avaient à dire d’autres réfugiés qui voteront aux États-Unis pour la première fois.

BILAL ALOBAIDI se souvient des élections en Irak, quand seul le nom du dictateur Saddam Hussein apparaissait sur le bulletin. Les seuls choix possibles étaient «oui» ou «non».

«Et si tu répondais ‘non’, quelque chose de mal pouvait t’arriver», a dit M. Alobaidi, qui est arrivé aux États-Unis en décembre 2013.

Il s’est installé à Phoenix, une ville dont la chaleur accablante lui rappelle celle de sa ville natale de Mossoul, et il a été naturalisé l’an dernier.

Anciennement un travailleur social auprès de l’Organisation internationale pour les migrations, M. Alobaidi travaille maintenant pour l’International Rescue Committee. Il aide d’autres réfugiés arrivés en Arizona à obtenir un logement et d’autres services.

M. Alobaidi dit avoir hâte de voter pour son candidat.

«Ce sera la première fois que je pratiquerai la démocratie, a-t-il dit. J’ai tellement hâte!»

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BAWI UK était tout petit quand ses parents ont fui le Myanmar, le confiant, lui et ses frères et soeurs, à leur grand-mère maternelle.

M. UK dit avoir été victime de discrimination en tant que chrétien dans un pays majoritairement bouddhiste. La junte militaire a aussi essayé d’enrôler son père par la force.

«Pour se présenter aux élections, il fallait être bouddhiste; pour louer une maison, il fallait être bouddhiste», a dit M. UK, qui étudie le travail social au Rhode Island College et s’implique auprès du Refugee Dream Center, un groupe de jeunes militants de Providence.

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NADA AL-RUBAYE dit n’avoir jamais voté dans son Irak natal, qu’elle a fui après que son fils aîné et plusieurs autres membres de sa famille eurent été tués lors de violences.

L’artiste née à Bagdad et un autre de ses fils ont passé quelques années en Turquie, puis ils se sont installés à Phoenix en 2013.

Citoyenne américaine depuis septembre 2019, elle vend maintenant en ligne ses tableaux et ses bijoux.

«Je suis tellement excitée!, a-t-elle dit au sujet de l’élection, en affichant un large sourire. Il est très important pour quelqu’un d’avoir un sentiment d’appartenance envers un pays.»

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HABTOM GEZHEY a fui l’Érythrée après avoir été conscrit dans l’armée pour un nombre indéterminé d’années.

Il a tout d’abord vécu dans un camp de réfugiés de l’Éthiopie voisine, avant de s’installer en Floride en 2012.

Aujourd’hui un camionneur qui transporte des marchandises à travers le pays, il habite Jacksonville avec sa femme Eyerusalem, qu’il a rencontrée dans le camp, et leurs deux jeunes enfants.

«Je suis prêt à voter, a-t-il dit. Il n’y avait pas d’élections en Érythrée, pas de constitution.»

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JAD «JAY» JAWAD avait 17 ans quand sa famille a fui les menaces de mort et les conflits en Irak.

Le gouvernement de Saddam Hussein avait ciblé le père de Jawad, en tant que gérant d’un hôtel fréquenté par des militaires américains. La famille s’est installée à Phoenix, où ils sont tous devenus citoyens américains.

M. Jawad gère maintenant un restaurant. Sa femme et lui, aussi une citoyenne américaine née en Irak, attendent leur premier enfant au printemps.

«Il n’y avait pas de démocratie quand nous sommes partis de Bagdad, a-t-il dit. Ici, on peut contribuer au changement.»

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LIAN KUAL n’a jamais voté au Myanmar, où les élections organisées pendant des décennies de gouvernement militaire étaient dénoncées comme frauduleuses.

Il a fui vers la Malaisie en 2008, puis s’est installé à Salt Lake City en 2014. Il y travaille la nuit chez Walmart et a obtenu sa citoyenneté cette année.

«Je me sens tellement libre aux États-Unis, a-t-il dit. Je me suis déjà enregistré pour voter. C’est très important pour moi.»

Anita Snow, The Associated Press












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