Mémé, Mamie et Mémère

En fin de semaine, ça sentait la grand-mère chez nous. L’automne, c’est une belle saison. Tant qu’il y a des feuilles dans les arbres. Quand y’a pu de feuilles et qu’on est dans la transition vers l’hiver, c’est comme magasiner des poignées d’armoire, c’est mortel. Faudrait que ça se fasse rapidement. Faudrait que le bout plate des branches toutes nues se passe la nuit, un mardi, entre 3 h 17 et 3 h 19. Les seuls malheureux qui pourraient en être témoins seraient trop soûls pour remarquer ce triste spectacle. C’est pour ça, juste pour ça, pour cette transition dépressive, qu’il existe les p’tites douceurs de l’automne.

Nos arbres sont encore bien feuillus, mais j’en ai fait une de ces douceurs en fin de semaine. De la compote de pommes. Oui monsieur, j’ai fait ça. Un enfant de quatre ans peut faire ça. C’est la chose la plus simple après faire des toasts, et encore, j’ai souvent fait brûler mes toasts; j’ai jamais brûlé une compote de pommes. J’ai fait ma compote en écoutant du Eminem. Ça revient au même que fumer du pot à la canette en écoutant du Enya. Si elle était bonne? Certain! J’ai opté pour la recette de ma grand-mère : pommes, cannelle, cassonade.

Donc, ça sentait la grand-mère chez nous. Pas qu’une grand-mère sente la compote de pommes, mais tu sais ce que je veux dire. Une grand-mère, ça sent plutôt un mélange de linge frais lavé, de crème à mains, et un parfum secret. Le genre de parfum que juste les grands-mères peuvent trouver au magasin spécialisé en affaires de grands-mères où on retrouve des tites vestes de laine, des pantoufles en Phentex et des cheveux pré-frisés.

C’est fou ce qu’une odeur peut nous faire ressentir. T’entrais chez nous, tu ressentais du réconfort, de la sécurité, des feelings qu’on a gamin en présence d’une grand-mère. Pourtant, une grand-mère, c’est quoi comme sécurité? Si y’a un voleur qui entre, un tremblement de terre, un feu, des Vikings, elle a beau avoir le cœur, la force n’y sera peut-être pas. C’est la présence. L’amour inconditionnel du vécu, du tout fait, tout vu. C’est pas le corps qui se sent en sécurité, c’est l’âme.

Une grand-mère, c’est la seule personne qui puisse t’appeler «mon p’tit cœur», «mon chou», «ma p’tite» toute ta vie, peu importe ton âge, peu importe ton statut, pis ça fait du sens. Pierre Karl Péladeau, Martin Brodeur et Bono ont beau être assis sur des trônes, devant leur grand-mère, ils sont assis sur des genoux. Pas physiquement, c’est une image. Bono assis sur les genoux de sa grand-mère, ça serait weird, et dangereux pour les rotules de la dame.

Cet automne, je suis prêt. Quand les arbres seront complètement dépouillés, que le ciel sera gris morne, gris bas de comptable, je contre-attaquerai avec de la compote de pommes. Je danserai autour de mon four et ferai descendre les grands esprits aînés. J’invoquerai mémé, mamie et mémère, et elles chasseront la dépression automnale à coups de sacoche dans l’front et de manger qui sent bon.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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