Salut Tabra, mon vieux frère

Photo: Martin Sévigny/Collaboration spéciale

Notre journaliste pigiste, Claude André a écrit sur sa page Facebook cet hommage à son ami Roger Tabra, décédé cette nuit en France. Nous l’avons trouvé touchant et nous avons décidé de le publier ici avec son autorisation.

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Une nuit, vers 1992, alors qu’il était encore inconnu du grand public et de la myriade d’interprètes qui lui réclameront des textes par la suite, j’ai demandé à celui qui devenait alors mon nouveau complice quel serait son plus grand rêve ? «Être recensé dans les dictionnaires de la chanson».

Puis, les années ont passé. Lapointe a croisé sa route. «N’importe quoi» fut le texte catalyseur de tous ceux qui ont suivi et qui ont contribué à augmenter sa valeur à la bourse de la chanson.

La vie s’est chargée du reste.

Ce cinéma permanent parfumé de douces ivresses, d’excès, de rires, de larmes, d’amitiés viriles et, surtout, de passions amoureuses.

C’est que, voyez-vous, depuis toutes ces années, Tabra semble hanté par deux choses : la Dame à la faux (lire la mort) et l’amour. Et, s’il écrit si souvent des textes qui s’adressent à celle qui incarne la seconde, c’est sans doute aussi pour implorer la clémence de la première.

L’amour tel un absolu pour vaincre la mort. Vaste programme !
Comme une page blanche qui réclamerait quotidiennement sa dose de poésie. Voilà le prix à payer. Tabra s’acquitte de sa dette avec l’encre de ses veines. Se met à nu et transforme les chagrins du cœur, les peurs de l’abandon, l’exil de l’Autre, bref, la désespérance amoureuse en quelque chose de magnifique.

Et pour mieux la défier, cette fatalité aux dents cariées, Tabra fourbit ses mots comme d’autres des armes. Il dresse devant elle une armée d’interprètes histoire de lui cracher à la gueule et, à travers eux, des dizaines chansons en guise de diamants rédempteurs. Et c’est magnifique.

Tend l’oreille ami lecteur, desserre les poings, ces interprètes iront au combat à ta place. À notre place.

Et un jour, qui sait, Tabra pourra enfin crier à cette vieille femme vêtue de haillons qui brandit la grande frousse pour le narguer :
«Tu sais, moi aussi je suis dans le dictionnaire, va te faire foutre la mort.»

*Roger Tabra est décédé le 11 mars à 23 heures (heure de France) à Saint-Symphorien.

Claude André

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