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Des couples excédés par les délais d’immigration exigent une enquête

Photo: Yves Provencher/Métro

Des couples de Montréal et du reste du Canada demandent une enquête du Vérificateur général pour expliquer les délais du programme de parrainage d’un conjoint vivant au Canada, qui ne cessent de s’allonger.

«Je me sens comme un prisonnier ici», lance Jorge Correia, alors que Métro le rencontre avec sa conjointe et trois autres couples dans un café du centre-ville de Montréal.

Ana Carina DaPaula, Jorge Correia et leur fille Gabriela DaPaula Correia

La demande de parrainage de M. Correia par sa femme québécoise, Ana Carina Da Paula, traîne depuis 16 mois. C’est maintenant un délai «normal» pour passer la première étape du processus lorsque l’époux parrainé vit déjà au Canada, un processus devant mener à l’obtention de la résidence permanente. Selon le site web de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), le temps prévu pour la deuxième étape est présentement de huit mois, pour un total de plus de deux ans.

En attendant l’approbation de principe et le permis de travail ouvert, qu’il doit recevoir à l’issue de cette première étape, cet ingénieur mécanique d’origine portugaise ne peut ni travailler, ni profiter du Régime d’assurance maladie du Québec. Il n’ose pas non plus sortir du pays, n’étant pas certain qu’il pourrait y revenir ensuite.

«Quand on a déposé notre demande, les délais indiqués par Citoyenneté et Immigration étaient de six mois si le parrainé résidait au Canada, et de huit mois s’il était à l’extérieur, rapporte Mme Da Paula. Le premier choix nous semblait raisonnable et meilleur, parce qu’on pouvait vivre ensemble en attendant. On se disait que Jorge utiliserait cette période pour s’adapter à son nouveau milieu de vie.»

Le couple, marié depuis 12 ans, croit maintenant avoir fait le mauvais choix. Les délais de traitement des demandes faites de l’extérieur sont restés à huit mois, alors que ceux de celles faites à partir de l’intérieur ont presque triplé.

Perla Silva, la conjointe mexicaine de Simon Beaumier, est au bord du découragement. Elle et M. Beaumier attendent depuis 17 mois. «Notre dossier est censé être traité d’un moment à l’autre. Mais ça fait plusieurs fois qu’on est dans cette situation, qu’on appelle au CIC et qu’on nous dit que le délai a été prolongé d’un mois, explique M. Beaumier. Je dis à Perla de ne pas lâcher, mais c’est très dur.»

Simon Beaumier et Perla Silva

Afin de s’entraider et de préparer une action commune, les couples en attente ont créé il y a quatre mois un groupe Facebook, qui compte maintenant plus de 1425 membres. Ils ont lancé le 30 décembre une pétition endossée par plus de 1150 signataires, déposée hier au Vérificateur général du Canada.

Ce qu’ils veulent? Des réponses. «On peut appeler trois fois dans la journée au CIC et obtenir trois réponses différentes», se décourage Mme Da Paula.

Depuis décembre 2014, dans le cadre d’un projet-pilote, le CIC a commencé à délivrer des permis de travail ouverts à certains époux et conjoints de fait avant même qu’ils aient reçu l’approbation de principe. Parmi les quatre parrainés rencontrés par Métro, seule Mme Silva venait tout juste d’en recevoir un. Ils connaissent toutefois des couples qui ont entrepris les démarches après eux et qui les ont déjà reçus. «On ne comprend pas la logique», souligne Félix B. Thiffault, qui attend depuis 12 mois avec sa conjointe Kerrie Ahern.
M. B. Thiffault ajoute que lui et tous les autres couples ont payé pour un service qu’ils n’ont toujours pas reçu. Les frais de leur demande de parrainage s’élèvent au minimum à 1000 $.

Félix B. Thiffault et Kerrie Ahern

Citoyenneté et Immigration Canada n’a pas été en mesure de fournir à Métro une explication au sujet de ces délais, se contentant de dire qu’il travaille à les réduire. Le ministère affirme qu’il traite les demandes de permis de travail ouverts dans l’ordre où il les reçoit.

Une vie en pause

Les impacts négatifs de l’attente sont multiples pour ces couples. «On doit faire vivre notre famille avec un seul salaire, ce qui nous cause du stresset nous empêche de payer toutes les activités que nous voudrions offrir à notre fille», témoigne Mme Da Paula, coordonnatrice de recherche à l’Hôpital Notre-Dame.

Kacee Duhon, originaire des États-Unis, et son mari, Dan Mullins, ont dû s’endet­ter de plus de 10 000 $ pour l’accouchement de leur petite Lilah, puisque Mme Duhon n’est toujours pas couverte par le régime public d’assurance maladie.

Dan Mullins et Kacee Duhon

Ce qui affecte surtout les personnes parrainées, c’est l’impression que leur vie est sur pause. «Comment expliquer à un futur employeur ce trou de deux ans dans un CV?» se demande Mme Da Paula.

Certains ont pu occuper leur temps en suivant des cours de francisation, mais pas tous. Plusieurs se sont vu refuser l’accès à ces cours sous prétexte qu’ils n’avaient pas de Certificat de sélection du Québec (CSQ). Or, pour obtenir un CSQ, il faut présenter une lettre de recevabilité fournie par le CIC aux demandeurs du Québec. «Cette lettre était normalement envoyée en même temps que l’accusé de réception de notre demande par le CIC, mais la plupart des demandeurs n’en ont pas reçu depuis janvier 2014», souligne Kerrie Ahern.

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