Monde arabo-musulman: crise religieuse ou morale?

Le célèbre intellectuel égyptien, Alaa al-Aswany, a décortiqué le paradoxe qu’est l’Égypte, un pays où la ferveur religieuse musulmane atteint son paroxysme, mais qui accuse aussi un déficit démocratique criant et une altération marquée de la moralité.

Dans un billet publié récemment dans la version arabe du service international allemand d’information DW, l’auteur du roman culte L’Immeuble Yacoubian s’est questionné si la cause de la crise égyptienne est religieuse ou morale.

Pour amorcer sa réponse, Alaa al-Aswany s’est inspiré de son quotidien. Pour décontaminer son jardin, il a payé les services d’un entrepreneur, le parfait musulman pieux, mais qui s’est avéré véreux.

Pour l’intellectuel égyptien, si les mosquées sont plus que bondées de fervents croyants en Égypte, son pays n’en demeure pas moins rongé par toutes sortes de tricheries et d’immoralités au point d’être l’un des cancres du monde en ce qui concerne les indices de la corruption et du harcèlement sexuel.

Alaa al-Aswany explique que l’Égyptien a réduit ainsi sa religion à de simples actes rituels et de culte, comme la prière, le jeûne ou le voile, mais dans ses relations quotidiennes, il se permet tous les interdits pour assouvir ses désirs en cachette.

Dans son analyse, le romancier de renom a expliqué comment cette culture a été imposée aux Égyptiens par le wahhabisme saoudien qui s’est propagé dans son pays au cours des dernières décennies. Un extrémisme religieux de façade où chacun assouvit ses envies en secret. De la sorte, il affirme que ce déclin moral ne peut être compris qu’à la lumière de la nature même du régime au pouvoir.

Pour Alaa al-Aswany, un citoyen dans un pays démocratique s’épanouit dans un système de droits et de devoirs où l’État assure des conditions décentes de vie. Mais dans un régime tyrannique, le citoyen se sent sans valeur et à la merci de l’injustice en tout temps. Ce citoyen ment, car il vit dans le mensonge. Il voit les gens féliciter le président pour sa victoire dans des élections truquées au vu et au su de tous. Il entend le président chanter les louanges de la jeunesse alors qu’il jette des dizaines de milliers de jeunes en prison. Il entend le président imposer aux gens plus d’austérité tout en menant impunément un train de vie somptueux.

Pour Alaa al-Aswany, la tyrannie détruit les règles de justice de la société. La promotion au travail n’est plus dédiée au plus méritant et au plus compétent, mais au plus enclin à l’hypocrisie et aux passe-droits. Quant à la loi, elle n’est appliquée qu’aux démunis alors qu’elle protège les puissants.

L’intellectuel et activiste arabe comprend ainsi pourquoi l’Égyptien ordinaire se considère opprimé et s’octroie le droit d’enfreindre l’éthique pour arracher ses droits spoliés par le pouvoir.

Pour Alaa al-Aswany, l’altération de la moralité n’est pas un simple manquement ou une désobéissance religieuse que l’Égypte doit traiter avec des sermons. Sa crise n’est ni morale, ni religieuse, mais une crise du système de gouvernance. L’Égypte ne se relèvera jamais, selon lui, sans la mise en place d’un système démocratique.

L’analyse de ce grand intellectuel égyptien est plus ou moins extrapolable à plusieurs autres pays arabo-musulmans. Hélas!

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