Dans la peau d’une femme voilée

Il ne se passe plus une semaine sans qu’une nouvelle sur les musulmans alimente un cycle médiatique controversé. Cette fois, le Journal de Montréal nous a révélé qu’une association étudiante du Collège Dawson a fait essayer, entre autres, le hijab aux étudiantes le temps d’un kiosque, pour ouvrir le dialogue avec les non-musulmans.

Cette nouvelle aurait pu passer inaperçue si n’importe quel autre groupe minoritaire protégé par nos Chartes des droits et libertés de la personne s’était prêté à ce genre d’exercice de sensibilisation. Demander de passer une journée dans la peau d’un membre de la communauté LGTB, des personnes à mobilité réduite ou d’une personne de couleur autre que blanche aurait presque fait unanimité. Mais dès qu’une personne qui croit en une religion autre que chrétienne, c’est le scandale médiatique garanti.

Quand on fait partie de la majorité, vivre dans la peau de l’autre, ne serait-ce qu’une journée, ouvre nos yeux sur des choses qu’on n’aurait jamais pu imaginer. Je l’ai vécu quand je suis devenu subitement l’autre ici. Tous les immigrants le vivent, quels que soient leurs origines, couleurs de peau, croyances, genres ou orientations sexuelles. Si vous en comptez un dans votre entourage, demandez-le à un Français de souche qui a décidé de vivre au Québec. Vous serez étonné d’entendre ses confidences!

Quant à la communauté musulmane, il y a de quoi perdre la raison. Quand elle s’ouvre sur la majorité, comme dans le cas de l’association du Collège Dawson, son geste d’ouverture est perçu comme une propagande islamiste. Et quand elle se replie sur elle-même, elle est perçue comme une communauté hostile aux valeurs de la majorité, qui se ghettoïse!

Oui, critiquer une religion ou mettre carrément en doute ses fondements est le propre de la liberté d’expression. Or, à force d’avilir certaines minorités, notamment musulmane et juive, nous alimentons collectivement une machine qui érode notre cohésion sociale. Dans un tel système en panique constante, avec le temps, les langues se sont déliées, les propos haineux se sont banalisés et nos politiques sont devenus mûrs pour recourir à des mesures d’exception qui nous éloignent de plus en plus des valeurs du monde civilisé.

À ce titre, prenons juste l’exemple du tchador dans la fonction publique, un sujet qui a fait déchirer leurs chemises sur la place publique aux membres de la Coalition avenir Québec. Par son interprétation rigoriste de sa religion, une femme qui porte le voile intégrale ne fréquente pas des hommes dans des espaces clos. On a plus de chance de gagner à la 6/49 chaque semaine que de voir une femme portant le tchador, la burqa ou le niqab, solliciter un poste dans la fonction publique ou nulle part à ailleurs. Mais qui s’en soucie?

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