L’intégration ne se décrète pas

En 2002, en débarquant à Montréal pour la première fois, avec mon diplôme universitaire et ma solide expérience professionnelle, je ne m’attendais pas à frapper un mur.

Pourtant, tout a été difficile au début. Dénicher un loyer, trouver un emploi ou juste parler intimement à un être humain. On me demandait souvent d’où je venais, si j’avais des références ou un historique. Sans amis, ni adresse, ni compte bancaire, j’étais l’étrange inconnu.

Le plus dur dans ma mésaventure a été ma perte d’autonomie. Je n’arrivais plus à saisir le sens d’une partie des messages émis par mon environnement. Mon jugement a été altéré par tant de parasites qui brouillaient une simple information. S’adapter à ce changement total a été toute une galère.

Comme un nouvel aveugle qui réapprenait à fonctionner dans la pénombre, je me suis senti démuni. J’avais l’impression de déambuler à poil dans un centre d’achats bondé. À mes risques et périls, il me fallait toujours demander aux autres de me guider. La honte!

Mon stress d’acculturation ne faisait que s’accentuer. Perturbé, j’étais plongé dans une lutte acharnée et constante entre ma tête et mes émotions. Il fallait que je me réapproprie rapidement une nouvelle grille d’analyse pour comprendre mon Nouveau Monde.

Par chance, je me suis juré de me fier à la société d’accueil. J’ai rencontré des Québécois de tous bords généreux et humanistes. Ils m’ont aidé à me remettre debout. Petit à petit, en les observant, je me suis réapproprié mon identité et mon environnement.

Hélas, face à l’adversité et au rejet mutuel, j’ai vu, de part (immigrant) et d’autre (société d’accueil), des âmes se perdre dans les dédales d’un recul identitaire aberrant. Le ghetto!

Pour vous dire, je suis prêt à vivre avec des individus rejetant des signes religieux qui représenteraient pour eux un recul «civilisationnel», car je sais aussi ce que certains croyants pensent de ces «mécréants». Mais je ne suis pas prêt à concevoir que notre collectivité adopte le rejet comme loi. La société doit être meilleure que l’individu.

Comme l’a si bien résumé le père fondateur d’une psychologie des cultures, C. G. Jung : «La vie psychologique et sociale des groupes ne saurait se passer d’imitation :sans elle, pas d’organisation des masses, pas d’État, ni d’ordre possible. Car ce n’est pas la loi qui fait l’ordre et la structure sociale, mais bel et bien l’imitation, notion dans laquelle il faut inclure la suggestibilité, la suggestion et la contagion mentale.»

L’intégration ne se décrète pas. Elle se vit dans l’inclusion et la dignité.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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