L’État islamique, le livre

L’État islamique, le récent livre de Samuel Laurent paru aux éditions Le Seuil, est passionnant et haletant, mais laisse au lecteur averti un arrière-goût d’inachevé.

Ce livre est bourré de révélations et d’éclairage. C’est la première fois que toutes les facettes de l’État islamique (EI), son historique, ses structures organisationnelles, son financement, son armement ont été réunies dans un seul bouquin.

Samuel Laurent raconte bien son histoire. Il a fouiné au plus proche du feu de l’action et son talent de conteur accroche le public. Toutefois, sa méthode de travail soulève quelques doutes éthiques.

Ce genre de livre doit être mené avec l’esprit d’un enqu��teur qui part avec des hypothèses en tête à valider impérativement en les mettant à l’épreuve d’au moins deux sources différentes et fiables.

Malheureusement, ce livre a été en grande partie basé sur les témoignages véreux de combattants d’Al-Qaïda, de transfuges de l’EI qui l’ont rejoint ainsi que des sources sans noms, les fameux «témoignages concordants», «sources fiables et très bien informées», «certains spécialistes», etc.

En effet, les deux sources les plus importantes du livre sont Anjem Choudary, un Londonien qui a pris fait et cause pour l’EI et son calife ainsi qu’un Abou Moustapha, un transfuge de l’EI aujourd’hui à la solde d’Al-Qaïda.

L’auteur lui-même l’admet dans Le renseignement, le chapitre 5 de son livre. Les maîtres de l’Amni, les services de renseignements de l’EI, affectionnent la fausse propagande. Par de faux activistes anti-EI, de faux assistants des journalistes occidentaux, de faux agents de la CIA à leur solde, ils tendent des souricières pour infiltrer aisément l’ennemi, diffusent de faux renseignements et commanditent des compagnes efficaces de désinformation. Alors comment Samuel Laurent a-t-il pu faire confiance aux sources qu’il a exploitées?

Encore plus, le clou du livre est le chapitre 8 consacré au calife. Samuel Laurent balance une bombe : toute la structure de commandement de l’EI, telle qu’on la connaît aujourd’hui, notamment leur chef, Aboubaker Al-Bagdadi, est passée entre les mains des Américains, dans la même prison, au même moment. Les Américains tenaient tous ces hommes considérés comme éminemment dangereux, pourtant, ils les ont tous libérés, sans aucune raison! À elle seule, cette information capitale mérite un livre très fouillé auprès de sources en béton.

Un expert de l’envergure de Samuel Laurent ne devrait pas présenter ses opinions et ses conclusions partielles, ni désigner les coupables à combattre. Sinon, il contrevient aux guides déontologiques et aux principes éthiques d’une vraie enquête de terrain.

Le livre de Samuel Laurent, quoique fascinant, par sa méthode de collecte des témoignages, aurait de la difficulté à passer, par exemple, le test de déontologie du Conseil de presse du Québec, ou celui d’une salle de nouvelles qui se respecte.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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