L’argent

Dans toutes les sociétés de notre planète sévissent des professionnels aux prétentions de chevalier blanc alors qu’ils sont les pires criminels à cravate. Un homme de cette caste a hanté mes dernières années dans ma planète d’origine.

Appelons-le «Argent», car il a élevé la quête du pécule au stade de religion! Parti de rien, il est devenu multimillionnaire grâce à la construction, mais aussi à ses mandats comme politicien craint et sans scrupules.

«Argent» était élu au conseil du patronat, à la chambre de commerce, à la mairie, au conseil régional et au Parlement du royaume. Bien sûr, là où il siégeait, il était soit le président, soit son marionnettiste.

Pour vous dire, il avait accès à toute l’information stratégique nécessaire pour faire augmenter son opulence. L’argent, avant de devenir asphalte ou ciment, bien avant qu’il ne se matérialise en billets de banque, n’est qu’un projet de loi. Sa filière était son livre sacré.

Un jour, au détour d’un dossier professionnel épineux, nous étions quelques cadres autour de ce nabab. Trahi peut-être par son arrogance, il s’est ouvert. L’homme craint, qui ne faisait confiance à personne, a fini par baisser sa garde pour nous livrer certains de ses secrets.

L’homme d’influence nous a d’abord montré sa fierté d’incarner le véritable self-made-man. Et sans crier gare, il s’est targué de connaître le cheminement de tout investissement dans les infrastructures du royaume. Il nous a alors révélé qu’il connaissait par leur prénom tous les fonctionnaires influents, depuis les «cuisines» de l’administration centrale, en passant par les cabinets des ministres, leurs relais au Parlement et ses commissions sensibles, jusqu’aux délégués régionaux et leurs subalternes dans tout le royaume.

Pour nous impressionner, il nous a détaillé l’aboutissement de son récent gros marché dans notre ville, avec une description précise du réseau de ses contacts, l’agencement de leurs bureaux et certains de leurs secrets croustillants. Hallucinant!

Sans sourciller, ce multimillionnaire se présentait comme un vrai patriote contraint d’user de toutes les méthodes, même les plus illégales, pour combattre ses adversaires, des féodaux d’un autre âge. C’était sa façon de faire accéder le royaume à la modernité et à la prospérité!

«Argent» était donc capable de créer l’idée d’un projet d’envergure localement, de la faire germer dans tout le processus décisionnel du pays, de sa base jusqu’à son sommet, avant qu’elle ne devienne un projet de loi concocté, débattu et approuvé au Parlement.

Une fois «son» projet promulgué, «Argent» suivait son cheminement, presque en temps réel, jusqu’au  lancement de son appel d’offres public. Quant à l’octroi du marché, les votants mangeaient dans sa main. Le parfait délit d’initié pour les nuls!

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