De l’art de survivre à la discrimination

Les études se suivent et ne cessent de se ressembler. Les chercheurs d’emploi immigrants font face à un mur opaque au Québec, comme d’ailleurs au Canada.

Chiffres à l’appui, une récente étude au Québec de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous informe qu’il vaut mieux s’appeler Bélanger ou Morin que Traoré, Ben Saïd ou Salazar. À compétences égales, un candidat au patronyme québécois a au moins 60 % plus de chances d’être invité à un entretien d’embauche qu’une personne qui a un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine.

Pareil au Canada. Il y à quelques jours, le Globe and Mail nous a révélé un autre chiffre alarmant. Dans une étude au titre révélateur «Qui conduit des taxis au Canada», sur 50000 chauffeurs, la moitié sont immigrants. Pire, 200 sont titulaires de doctorats ou de Ph.D. Et 20% ont des diplômes universitaires ou des Masters. Voilà, une légende urbaine est bel et bien confirmée par des faits.

Ces révélations ne m’étonnent point, car ce n’est pas nouveau, pour ne pas dire la norme. Je ne sais pas si vous avez en mémoire l’affaire Kamal El Batal, cet agronome d’origine marocaine spécialiste du développement local, rural et agricole? Kamal était au centre d’une affaire de discrimination à l’automne 2002. Après avoir postulé une dizaine de fois, sans succès, pour obtenir un emploi à la Coop fédérée de Québec, Kamal El Batal a soumis une nouvelle candidature, identique, sous le nom de Marc Tremblay. Avec ce nom qui sonne 100% Québécois, il a aussitôt obtenu un entretien téléphonique.

Par principe, El Batal a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne. La plainte a été recevable en janvier 2003. Quatre ans de procédure après, Kamal El Batal a reçu un jugement favorable en mars 2007. Ce jugement a reconnu le préjudice et un dédommagement financier. Faut-il s’étonner, presque dix ans après, qu’on soit toujours à la case départ? C’est quoi l’affaire alors?

Il n’y a pas si longtemps, en octobre 2011 précisément, un sondage d’Hebdos Québec a révélé, entre autres, que 42 % des Québécois pensent que l’arrivée des immigrants est une menace pour la culture. Combien de ces sondés sont des gestionnaires?

Comme je l’ai mentionné dans un billet après la publication de ce sondage, le ministère de l’Immigration (MICC) travaille d’arrache-pied pour aller recruter des candidats à force de publicité et d’opération de marketing agressif sur le marché de l’immigration, il organise la sélection, signe une entente avec les candidats sélectionnés et les accueille pour les aider à s’intégrer. Et que fait-on pour la société d’accueil? Presque RIEN! D’où l’amalgame! Et dites-vous que la société d’accueil n’est ni assez préparée, ni assez sensibilisée à accueillir cette «meute» de 50 000 nouveaux arrivants annuellement! Et ça va empirer.

Depuis dix ans que je roule ma bosse dans le milieu de l’intégration socioprofessionnelle des immigrants, le constat est le même. Notre politique d’immigration est amputée! Tant et aussi longtemps que la société d’accueil n’est pas conscientisée à l’importance vitale de l’immigration, elle ne sera pas motivée à consentir l’effort nécessaire pour accueillir à bras ouverts l’immigration.

Quant à Kamal El Batal, rassurez-vous, il est devenu l’un des plus grands gestionnaires du développement local au Québec!

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.