La longue fin de semaine au chalet

Check ma face de gars fâché avec une barbe. Qu’est-ce qu’elle dit? Que j’attends en ligne à SAAQ? Que j’suis doorman au Radio lounge? Que je me prépare pour un championnat de Call of Duty? Que j’suis un humoriste/chroniqueur qui se prend un peu trop au sérieux? Que je suis le pire vendeur de cup cakes au monde? «Quin! Crémage rose, avec des bonbons su’l top. Scrame!» Vous allez être déçu. Elle dit que je suis un humoriste qui a fait un shooting photo avec majoritairement des fonds noirs où il souriait, et qui a appris que pour le journal, ça prenait un fond blanc, et qui a vu son choix de photos réduit à quatre, dont deux avec yeux semi-fermés et deux variations d’air bête. Plate de même.

C’est pas nouveau que la première impression que je donne n’est pas glorieuse. Début vingtaine, j’avais la pire première impression. Bon, j’exagère, j’étais pas un crack head unijambiste en couche qui semait le doute dans la tête de coachs de water-polo. J’étais juste sans filtre. Je disais ce qui ne se disait pas, ce qui pour moi était évident que c’était des blagues, dans le genre «Je le dis parce que c’est évident que ça ne se dit pas, donc c’est pour ça que c’est drôle» et qui tenait pour acquis que les gens décodaient mon sens de l’humour. Une fois qu’on me connaissait, les gens en redemandaient. Mais la première impression… Ah oui, pis j’avais une boucle d’oreille Nike. Pose pas de questions.

Ça prend l’équivalent d’une fin de semaine dans un chalet. Après une fin de semaine dans un chalet passée avec une personne, la première impression est soudée ou modifiée. Mais surtout, on connaît mieux la personne dans son ensemble.  Dans le beau monde du show-business, avant que le public t’ait vu, entendu, lu l’équivalent d’une fin de semaine dans un chalet, ça peut être long. À coup de deux minutes d’entrevue par-là, une participation à un quiz, un extrait de performance par-ci, un article dans un journal, souvent hors contexte en plus, ça peut prendre 10, 20 ans avant que le public ait une vision globale de ta personne.

On a tous déjà changé d’opinion sur une personnalité connue. Pendant 10 ans tu ne l’aimais pas pour X raisons, puis un moment donné, tu l’entends dire quelque chose qui te plaît. «Y est plus smatte que je pensais.» Il a toujours été comme ça, mais dans ta vie, en dehors de ses rôles et performances, t’avais peut-être vu et entendu la personne un total de 14 minutes… sur 10 ans. Pas représentatif. Comme un kid qui a une boucle d’oreille Nike, mais qui écrit des poèmes en cachette.

C’est pour ça que pour ma santé mentale, ça fait longtemps que j’ai abandonné ce combat. C’est une très longue fin de semaine dans un chalet sur 50 ans qu’est le monde du showbiz. J’suis plus sympathique que ce que ma photo donne comme impression. Certains le savent déjà, les autres vous allez le voir avec le temps. J’suis trop paresseux et peu soucieux de mon image pour faire d’autres photos. Vous voyez, vous aurez appris ça de moi. Petit peu par petit peu, ensemble au chalet, on va finir par se connaître.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.