Rocky, le Russe et moi

Anecdote. J’ai 14 ans, une moustache molle. Rocky 3 passe à la télé, Mister T est au tapis. Je l’avais déjà vu plusieurs fois, mais cette fois, il s’est passé quelque chose de spécial. Comme lorsque j’avais 7-9 ans, que je terminais un film des tortues Ninja, et que je sacrais des coups de poing dans les coussins du divan: j’avais envie de me battre.

Donner une volée au divan à 14 ans, c’est ordinaire. Il n’y avait qu’une solution: aller faire de la boxe, pour vrai! Un ami et moi sommes allés nous inscrire dans un gym miteux de notre quartier (Villeray) situé dans les environs de Saint-Hubert et de Bélanger. Un cliché de gym de boxe. Dans un demi-sous-sol mal aéré, avec des tuyaux visibles, des coulisses jaunes sur les murs, l’odeur de transpiration humide imprégnée dans la peinture écaillée. J’étais conquis.

J’y suis resté trois ou quatre mois. Je n’ai jamais fait de combats officiels. J’ai seulement trois sparring  à mon actif que je pourrais noter: victoire par décision, victoire par K.O. technique, et défaite par mort subite. (Du sparring, c’est faire des rounds d’entraînement contre un boxeur du même gym avec casque).

Premier sparring, c’était contre mon ami. Même âge, arrivés en même temps, donc le coach, un vieux clone de Mickey, nous met un contre l’autre. Malheureusement pour mon ami, je suis tout mince, et il est tout rond. Plus rapide, plus habile, je tourne autour et le jab. Il ne peut pas faire grand-chose d’autre que froncer les sourcils et me détester. Victoire par décision.

Deuxième sparring, c’était contre le grand frais chié. Un gars de 16 ans, fait sur le long, venant de la Gaspésie. Deux ans de différence à l’adolescence peuvent être ÉNORMES dans la tête d’un gars, surtout si ça a rapport avec demander une fille à danser ou se battre. J’étais nerveux. Heureusement pour moi, il était plus vieux, mais moins futé. Il ne savait pas se protéger la tête. Il se mettait dos aux câbles, penchait la tête vers l’avant, et mettait ses gants sur les côtés, sur ses tempes. Festival d’uppercuts dans l’front. Casque tout croche. Victoire par K.O. technique.

Troisième sparring, c’était contre le Russe. Oui oui, un Russe! Comme dans Rocky 4. Âgé de 16 ans, il devait faire de la boxe depuis qu’il avait six mois. Tout de suite après mon round contre le Gaspésien, le coach, me sentant confiant, dit à son poulain huilé d’embarquer dans le ring. Pas de casque. Pas rassurant. Ça veut dire que je ne suis pas une menace, et donc, qu’il en est toute une. Heureusement, le coach lui donne la consigne de me frapper seulement dans le ventre. J’ai les coudes larges, je dois apprendre à les fermer. Dans les trois minutes du round, je l’ai frappé une fois. Il n’a pas aimé ça, il m’a puni avec une combinaison dans les côtes. J’ai donc passé le reste du round à juste encaisser et survivre. Au son de la cloche, je me suis écroulé au sol et j’ai littéralement ROULÉ sous les câbles et hors du ring. Défaite par mort subite.

Le temps que j’aille boire de l’eau et que je revienne, le Gaspésien était assis à terre, dans le coin du ring, les yeux au Népal. L’armée rouge avait passé dessus. Et moi, j’avais décidé que je serais humoriste.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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