Mon chien est à mes pieds

Je sirote ma pinte de cidre tranquille au bar. J’aime pas la bière. Personne n’aime la bière avant de se forcer ado à en boire. J’ai jamais passé le stade du «forçage». J’suis un paresseux de nature, incluant paresseux de la papille gustative. Donc, je bois ma pinte de cidre au bar. Le serveur gay commence à me faire un p’tit numéro de «Hey, regarde-moi. Coucou!» J’y renvoie un sourire de politesse, puis retourne dans ma tête. Notre histoire s’arrête là. The Notebook, version macaron.

Est-ce que j’ai été insulté qu’un gay me fasse de l’œil? Est-ce que mon ego de mâle a eu envie de taper sur le comptoir, de déchirer ma chemise puis de lui lancer une roche en feu? Non.

Est-ce la première fois qu’un gay me «cruise»? Oh que non. Ça me fait quoi quand ça arrive?

Rien. «Ouin, ben là, esti! Y pense que t’es une tapette!! Ou le monde autour vont penser que t’es une tapette!!» Parce que je bois une pinte de cidre et que je varge pas sur un gay qui me fait un sourire, les gens pourraient penser que je suis gay? Ouin, pis! Ils peuvent bien penser que le soir, je me déguise en tranche de fromage suisse et me caresse avec des cassettes VHS pétées. C’tu veux que ça me fasse.

Qu’est-ce qui est plus homme, courageux? Un gars qui cale deux bières pour impressionner ses chums et dont l’opinion des autres lui dicte ce qu’il est, surtout si c’est la peur d’avoir l’air d’une tapette? Ou le gars en chaps noirs, avec un t-shirt rose, qui marche dans la rue et que, quand on lui dit:
«Pff, t’as l’air fif», il répond «Ouin, pis?» et continue son chemin? Pour moi, je trouve que s’assumer la tête haute, se foutre de ce que les autres pensent, c’est plus «homme» que d’essayer de convaincre les autres de ta mâlitude. Au fait, quelqu’un qui rit du fait que t’aimes caler de la bière, et à qui tu réponds: «Ouin, pis?» ça se peut aussi.

Récemment, j’ai goûté à la haine/insécurité de nos pires homophobes-mâle-power. Ils ont sévi dans la section «commentaires» lorsque j’ai écrit ma chronique sur l’homophobie en Russie. Je me suis fait menacer, souhaiter ma mort ou de me faire violer, name it. Anonyme bien sûr. J’suis pas gay, je les ai juste défendus, mais la haine que j’ai sentie pour moi… Sérieux, les gays qui vivent ça à l’année longue peuvent ben avoir besoin de parader une fois par année avec des plumes dans l’front pour crier haut et fort un gros «OUIN, PIS?» Faut répliquer un moment donné.

Crier «Esti de tapette!!!» La belle contradiction de l’homophobie sexuelle/identitaire.

Comment peux-tu crier ça avec toute la haine du monde, et te dire un homme? Pire, accuser les dites «tapettes» de ne pas en être, ni en être dignes? Un homme s’élève au-dessus de son «mâle». Il l’apprivoise, apprend à vivre en harmonie avec. Si t’es à la merci de ton «mâle», t’es à la merci de ton chien. Qui est le plus homme? Celui qui tient son chien bien en laisse sur le trottoir ou celui qui se fait traîner, qui arrête là où son chien décide d’arrêter et qui court quand son chien décide de courir? «Pénis dans vagin!!» «Taper sur tapette qui me cruise!!» «Insulter celui qui boit du cidre!» Mon chien est à mes pieds, et les gays sont mes frères.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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