C’est pas un cancer, être une fille

«Moi, ch’pas une vrai fille.» Combien de fois je l’ai entendue celle-là? Ça fait quatre minutes que tu l’as rencontrée, tu connais juste son nom, tu sais qu’elle aime pas tant Get Lucky, pis au plus vite, avant même qu’elle te parle de son voyage en Argentine, elle te lance cette ligne comme on sortirait un dossier médical à un one night potentiel «J’ai pas le sida! Je suis fréquentable!» C’est pas une maladie ni un cancer, être une fille.

T’aimes ça te mettre belle? Fine. Tu passes cinq minutes de moins à te préparer que la fille que tu trouves superficielle à job? Fine. Tu mets trente minutes de plus à te préparer que la fille hippie qui se sent belle juste avec une fleur dans les cheveux puis des pantalons larges orange? Fine. T’aimes tes tatoos? Fine. T’aimes ça, toi, parler avec tes amies? Fine. T’aimes ça le hockey? Fine. T’aimes ça baiser sans qu’on te fasse sentir salope? Fine. T’aimes ça faire l’amour sans qu’on te fasse sentir fragile? Fine. Peu importe tes besoins, si tu les connais, les aimes, les assumes, pour moi, c’est de loin plus attirant qu’une fille qui essaie de me faire croire, et de se faire croire, qu’elle n’a pas les traits de caractères féminins qu’elle considère «sales» ou «cancéreux». Si les gars aimaient tant ça les traits de gars, ils sortiraient juste ensemble. Perso, je trippe pas sur les culs poilus.

Je dis les filles, parce qu’une femme, une fille devenue adulte, ne dit jamais «Ah moi, j’suis pas une vraie femme.» La honte, la gêne de la féminité, c’est une affaire de fille. Comme la honte, la gêne de la masculinité, c’est une affaire de gars. Mais un gars dira jamais «Ch’pas un vrai gars.» Parce que c’est zéro attirant. Mais il trouve toujours un moyen de faire savoir à une fille qui l’intéresse que les «défauts» de gars, il les a moins que les autres. Entre nous autres, on joue à qui pisse le plus loin. Mais seul avec une fille qui est un potentiel de blonde: «Ah, tsé moé mes chums… chus pas comme eux autres. Ah… oui, des fois, on va aux danseuses, mais tsé… c’est plus eux autres, moi j’y vas pour suivre.» Yeah right.

On peut s’élever au-dessus de nos traits «animaaux» sans se mépriser au complet. J’suis pas bagarreur. Pas du tout. Rien à foutre des guerres de «moé plus fort que toé». Bravo, oui, oui. T’es plus fort. Tu peux aussi être zéro dans les guerres de comparaisons féminines «moé, plus belle que toé». Mais, mépriser son sexe au complet?

Je viens de la génération où c’était pas cool, être un gars. Les gars dans les écoles, dans certaines familles, on a été tassés, sabotés, méprisés, diminués. Je sais ce que c’est, avoir «honte» de son sexe. Porter sur ses épaules le poids de comportements passés d’une masse avec laquelle t’as rien à voir. Avoir peur d’être le «monstre» que t’entends et vois partout. Subir les stigmates de générations de femmes blessées qui contre-attaquent. C’était naturel et inévitable. Tout comme le jeune humoriste que j’étais qui a contre-attaqué sur la scène. Donc, quand je vois une fille me sortir, comme un avertissement secret, «ch’pas une vrai fille», je sais. J’y vois pas l’ennemie. J’y vois une jeune sœur. J’ai le goût de lui dire : «C’est correct. Fuck that. T’es pas folle. On va-tu voir un film?» Bonne journée de la femme vendredi.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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