Éteindre des feux

Anecdote. L’autre soir, je vais à l’épicerie pas loin de chez nous. J’ai pas besoin de grand-chose, deux trois trucs pour souper. In and out rapido. «Est-ce que je prends un panier?» Je calcule ce que j’ai à prendre, sors mon cours de science physique secondaire 4, étudie le poids, les tailles, mes mains… «Na, ça va être correct.» Erreur classique. Parce que, les estis qui nous manipulent comme des souris échappées à la naissance le savent que sacrer le lait dans l’fond te fait passer devant TOUT… Et y’a ben des chances que t’allumes que t’as pu de mayo, de Scott Towel, qu’un poulet cuit serait bon finalement, que le jus est en spécial, etc. Allez chier avec vos trucs de sorciers! J’suis juste un homme. Pas un Jedi.

Résultat. Mains pleines de stock qui tient dans des angles impossibles, la ganse du poulet qui pète, le poulet qui se retrouve à terre, du jus de poulet partout. Vaincu, les mains pleines, un poulet à tes pieds… Tu te sens pas winner. Je vais chercher un commis. Lui explique que la ganse a pété. Sa réponse : «Ooon, un beau poulet» avec un ton «je m’en câlisse, j’ai un name tag pis pas toé». Je l’aurais gelé. Avec ma grappe de bananes.

Arrive aux caisses libre-service. Paye mes trucs, fais un retrait de 20 dollars. Tout est beau. Je sors avec mes deux sacs assez lourds merci pour une «p’tite commission». Arrive dans le parking. «Mon 20 piasses!» Tellement préoccupé par la scène de moi qui tapoche le commis à coups de bananes, j’ai oublié de prendre mon 20 dollars. Pendant ce demi-tour, j’ai oscillé entre l’espoir et la défaite au moins 76 fois. Non. Pas de bon Samaritain qui m’a laissé mon 20 piasses avec un ruban pis un caramel. Là, mes sacs sont très lourds. Je déteste l’humanité. Ça m’arrive jamais de détester l’humanité au complet. Je repousse des gens, beaucoup de gens individuellement, mais j’aime ben la grande famille pareil. Là, j’aimais personne. Les sacs sont lourds, le plastique me fend les doigts, j’ai pas mon poulet, c’était le dernier qui avait de l’allure, pas mon 20 piasses, j’ai pas varlopé le commis arrogant. Breaking Bad, Saison 6.

Arrive chez nous. Je vis devant un parc. Regarde dans le parc, y’a un feu. Un vrai. Il vient du sol. Je laisse mes sacs dans mon entrée, cours l’autre bord. Un homme, d’origine arabe, avec son bébé dans les mains, éteint du mieux qu’il peut le feu pris dans un tas de feuilles mortes. Il isole le tas, tasse les feuilles autour pour pas que ça se propage. C’est sous un chapiteau de pétanque en bois, y’a des feuilles mortes sèches à la grandeur du parc, des arbres. Bref, ça aurait été le feu de la Saint-Jean en octobre. Sans bière, ni pot, pis Michel Pagliaro. La cause : l’homme pense qu’il a vu quelqu’un jeter sa cigarette par terre. «Les gens n’ont aucune valeur!» Son indignation me rassure, me fait faire la paix avec la grande famille.

Je suis allé chez moi chercher une cruche d’eau pour être sûr qu’il n’y ait aucun tison qui pogne dans le vent et reparte un feu à côté. Quatre camions de pompiers sont arrivés. Mais le feu était maîtrisé. Le mien aussi.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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