Quand j’te méprisais de m’aimer

Calme-toi. Y va avoir du nanane à rire en chemin. Je suis un professionnel du drôle. Je suis allé à l’école, j’ai un diplôme, des bulletins, des vieilles effaces aux fraises, tout. Parfois des sujets de chronique viennent au monde sous le coup de la panique, du dead line qui arrive, parfois c’est l’actualité qui m’inspire, parfois une vieille anecdote loufoque, une observation humaine. D’autres fois, comme celle-ci, c’est un titre qui me passe dans le devant du front. Entre mon linge que j’dois sortir de la sécheuse et des bouteilles de vin vides à recycler. C’est rendu un peu absurde dans ma dépense.

Quand j’ai commencé ma carrière d’humoriste, y’a une dizaine d’années, prendre les applaudissements, les compliments, c’était très peu naturel. Mon corps les rejetait comme si c’était des May West dans de la tequila. C’est l’équivalent de donner un cadeau à quelqu’un, puis de voir la personne le pitcher à terre dans ta face. «J’en veux pas de ton compliment!» «Oui, mais je l’ai bien emballé, avec un chou, du ruban…» «M’en câlisse!» Ensuite, je retournais dans mon clocher, tel un Quasimodo. Mais sans la bosse dans l’dos, le gros œil weird, juste Garou qui me suit pour faire un duo. Quasimodeux.

On méprise ce qu’on juge être insuffisant, inadéquat. C’est comme quand quelqu’un aime un band que toi tu trouves vraiment de la merde. «Savage Garden… Ark.» Un p’tit réflexe de mépris vient. La personne trouve bon, ce qui, pour toi, est visiblement, incontestablement, clairement mauvais, donc son jugement est caca. En passant, c’est voulu, la vieille référence, je feelais années 1990. Tu peux me juger si tu veux, tu vas rester dans le thème.

Bref, c’est ce qui se passait avec ma p’tite personne. J’étais tellement sévère avec moi que j’avais beau avoir des tonnes de rires, des clapes à pu finir, une fin de numéro où les gens gueulaient tellement ils avaient aimé, je focussais juste sur ce qui avait moins marché, rabaissais ce qui avait marché et, quand quelqu’un venait me dire que j’avais été bon, qu’il m’avait vraiment aimé, je disais un p’tit merci, mais en dedans c’était : «Pffff, tu t’y connais clairement pas si tu m’as trouvé bon…..» Je jugeais ton «manque» de jugement. J’te méprisais de m’aimer.

Avec le temps, ça a passé. Aujourd’hui, je prends. Avec grand plaisir. Y’a des planches de bois dans les fenêtres de mon ancien clocher. Tout est barricadé, inhabité. J’vais pu là, fait un bout. Y’a juste Garou qui rôde autour, y décroche pas. Il veut vraiment son duo. Donc, à toi, ami intransigeant, je dis : y’a espoir. Je te souhaite qu’un jour tu penses à ta liste d’épicerie et à ta cuisse qui fait mal à cause d’un 5 km de course de zombies policiers dans la bouette spartiate de je sais pu quel concept de course… et dans ton front ça passe : «Tiens… J’étais comme ça avant… Good thing que ce soit fini… Du lait, du beurre, une livre de steak haché…»

P.S : J’en profite pour vous dire merci de m’écrire sur Facebook ou par courriel au journal quand le spasme de me dire que vous aimez me lire vous prend. J’apprécie.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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