Volutes de marijuana à l’air libre

Photo: Archives Métro

Quel est le pays qui, le 23 décembre 2013, était sous les feux médiatiques planétaires pour avoir été le premier au monde à légaliser la production, la distribution et la consommation du cannabis? L’Uruguay, répondrait sans hésiter Justin Trudeau…

Le premier ministre canadien, qui a déjà fumé «cinq ou six fois» du «pot», compte bien imiter José «Pepe» Mujica, l’ex-président uruguayen (2010-2015), en levant dès l’an prochain l’interdiction de la vente et de la production de la marijuana à usage récréatif.
Mais voilà, en Uruguay, la mise en œuvre de la loi réglementant le marché de cette drogue douce – jugée «très dangereuse» par les Nations unies – a été plus compliquée que prévu.

Ainsi, la vente en pharmacie, nerf de la guerre contre le marché noir, a été plusieurs fois différée. Pourquoi? Tout d’abord, les pharmaciens refusaient de coopérer pour des raisons d’éthique professionnelle. Ils ont fini par se plier à l’offre gouvernementale et feront un profit de 30 % sur l’herbe vendue. Il y a au moins 250 000 consommateurs réguliers de cannabis dans ce pays de 3,4 millions d’âmes.

Grâce à une récolte d’une dizaine de tonnes cette année, gérée par l’État, les pharmaciens pourront, dès juin, stocker un maximum de deux kilogrammes de «mari» dans leurs locaux, se réapprovisionner tous les 15 jours et en vendre 40 g mensuellement à chaque client âgé d’au moins 18 ans.

À 1,25 $CAN le gramme, le prix est jugé assez élevé pour ne pas encourager la consommation et suffisamment bas pour concurrencer le marché noir. Le cannabis, qui représente 70 % des drogues consommées en Uruguay, coûtera en fait cinq fois moins cher qu’un produit de même qualité vendu clandestinement.

Le gouvernement promet que sa marijuana sera de bonne qualité, sans substances exogènes. Il veille d’ailleurs au grain, en scrutant à la loupe la plantation, la culture, la récolte et la commercialisation de la drogue la plus populaire au monde.

En coupant l’herbe sous le pied des narcotrafiquants, Montevideo percevra également de 10 à 13 % des recettes issues de la vente du cannabis dans les pharmacies.

En attendant, chaque Uruguayen peut depuis deux ans cultiver jusqu’à six plants de marijuana ou l’équivalent de 480 g. Pour sa consommation personnelle, bien sûr.

Ce n’est pas parce que la «Suisse de l’Amérique latine» a autorisé la vente et la production du cannabis que ses habitants ont applaudi la décision de José Mujica, un ancien guérillero de 81 ans, qui a qualifié l’initiative d’«expérience pour le monde».

Contrairement aux Canadiens, les Uruguayens restent encore majoritairement contre la légalisation de la «mari», à l’instar de leur nouveau président, Tabaré Vázquez.

Mais le cancérologue de 74 ans n’abrogera pas la loi. Lors de son précédent mandat (2005-2010), Vázquez s’était illustré en faisant de l’Uruguay le premier pays d’Amérique latine à bannir le tabac des lieux publics. Il doit à présent veiller aux volutes de fumée d’une autre plante.

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