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La cour d’école

L’autre jour, par un bel après-midi d’hiver, je rentrais à pied du boulot et je suis passé devant la cour d’une école primaire sur la rue Saint-Denis. C’était la récréation – ce moment magique fait à parts égales d’un soupçon d’éclats de rire et d’une pincée d’humiliation. Les enfants criaient et couraient dans tous les sens dans une explosion de manteaux d’hiver de toutes les couleurs.

Trois petits garçons – un blond, un brun et un roux, un peu comme dans un film de Marcel Pagnol – étaient couchés dans la neige à plat ventre, face vers la clôture qui donnait sur la rue. Ils avaient tous les trois un bras passé à travers ladite clôture et tentaient d’attraper une petite pelle de plastique bleue qui gisait de l’autre côté, près du trottoir, mais sans succès.

Me voyant passer d’un pas de champion devant la cour, le petit garçon brun me héla (héla, elle l’a, comme dans la chanson): «Monsieur, pouvez-vous nous donner la pelle, s’te-plaît?»

N’écoutant que mon absence de courage, je regardai s’il n’y avait pas une surveillante dans les parages pour pouvoir me déresponsabiliser et passer mon chemin sans rien faire (mon sport préféré). N’en voyant aucune, je décidai de venir en aide aux garçons, prévoyant comptabiliser ce geste de courtoisie dans ma très vaste catégorie «Bénévolat». J’approchai donc de cette pelle tant convoitée pour la saisir de ma main sobrement gantée.

Soudain, la pelle bougea vers la clôture, comme par enchantement. Je relevai la tête et je vis que les trois petits garçons tenaient le bout d’une corde et venaient de me jouer le plus vieux tour de l’histoire humaine, un tour probablement inventé genre 20 minutes après l’invention de la corde.

Les trois petits garçons se relevèrent, éclatèrent d’un rire fracassant, se high-fivèrent en me pointant du doigt:

«HAHAHA, on t’a eu… Nanananananana!»

Immédiatement m’est revenue en mémoire une myriade de souvenirs d’enfance dans les rues de Rosemont : les espiègleries, les tours pendables que nous jouions nous aussi aux adultes, la franche camaraderie qui nous unissait, cette loyauté dans l’audace, cette imagination dans l’humour, cette solidarité dans le lol.

Quel âge formidable tout de même… Profitez-en bien les garçons, car ça ne dure pas. Le temps passe et pouf! on devient adulte, responsable, sérieux… me suis-je dit en tirant d’un coup sec sur la pelle, faisant planter le plus éloigné des trois tannants qui marchait sur la corde (une erreur de débutant) et qui entraîna ses deux copains dans sa débarque vers le sol enneigé, un autre témoignage de la belle solidarité dont il était question plus tôt.

Petits singes 1; Vieux singe 1; Surveillante 0.

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