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Le luthier

Hier, suis allé porter ma guitare chez un luthier. Elle avait un problème de buzz, elle buzzait alors qu’elle ne devait pas buzzer; un problème grave, mais assez aigu, si tu vois ce que je veux dire. J’arrive donc dans un atelier qui est sis dans un garage reconverti. L’espace est magnifique : l’ancien garage est rempli de machines pour faire de la magie avec du bois. On y entre par une porte basse qui donne sur une collection de guitares incroyables : des squelettes d’instruments en bois noble – du hêtre, de l’érable, du merisier – qui ne demandent qu’à être complétés. Ça sent bon le bois tendre sur lequel quelqu’un d’attentionné est en train de mettre beaucoup d’amour.

Dans ce petit studio, il y a le luthier et un autre dude qui joue du blues sur une Les Paul ploguée dans un petit ampli. Celui qui joue toooooooorche! Il jamme avec lui-même et ses riffs me font mal au ventre tellement ils me sont inaccessibles.

Malgré qu’il y ait BB King à côté de lui, le luthier ouvre mon étui:

– Wow, c’est vraiment une belle guitare, une Takamine japonaise. Mais elle n’a même plus de sillet! Et je ne sais pas qui a mis les cordes, mais c’est vraiment n’importe quoi!

À ce moment-là de la conversation, ce que j’aurais dû dire, c’est : «Je ne sais pas ce qu’est un sillet, c’est moi qui ai tenté de mettre ces cordes-là et c’est pourquoi je suis ici, câline, pour avoir l’aide d’un professionnel.» Or, probablement à cause de Stevie Ray Vaughan qui se faisait aller le pick, j’ai juste choké côté vérité et j’ai dit:

– On a trouvé cette guite dans une cave en faisant le ménage chez une personne âgée.

– Pour vrai?

– Oui, ai-je dit en m’enfonçant encore plus profondément dans mon mensonge.

– Wow, c’est vraiment rare qu’on trouve des belles affaires comme ça… Une Takamine japonaise… c’est extraordinaire. Tu l’as vraiment trouvée dans une cave?

– Ouaip, dans une cave, chez la grand-mère d’une amie, dis-je en ajoutant des détails inutiles à ce mensonge lui aussi inutile.

– C’est vraiment une belle trouvaille. Il manque le sillet, mais avec un peu de travail, elle risque de bien sonner.

– Les vieux, crime-bine! On ne peut pas se fier sur eux pour prendre soin d’un instrument, han? Une chance que je suis venu te voir, ai-je répliqué en sifflotant à la manière d’un épais.

Et là, l’autre guitariste a arrêté ses solos et m’a dit:

– T’as-tu du temps après? Je suis sûr qu’il peut t’arranger ça ben vite et on pourrait jammer.

Et là, j’ai soupiré lourdement et j’ai comme pas eu le choix d’avouer la vérité:

– Dude, l’affaire, c’est que je joue sur une guitare sans sillet depuis genre 10 ans. Et je ne sais pas ce que c’est un sillet! Et je ne pratique même pas vraiment! Je ne pense pas que j’ai les compétences pour jammer avec toi. À moins que tu veuilles faire un solo sur Jeux interdits, une version jouée vraiment lentement avec beaucoup de «oups»?

– …

– C’est exactement ce que je pensais.

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