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Les comptines

Un des aspects pénibles d’avoir un jeune enfant à la maison – au-delà des évidences comme le manque de sommeil –, un des vices cachés dont les cours de FPS ne parlent pas, c’est la présence continuelle et l’apparente nécessité pour le développement de l’enfant des comptines, chansons et autres ritournelles puériles.

Des comptines – pour ceux qui l’auraient oublié –, ce sont des chansons en rimes poches écrites par un sans-talent quelque part en France profonde il y a de très nombreuses années. Elles parlent de choses débiles, absolument inapplicables aujourd’hui, et tentent de nous faire sourire avec des anecdotes insignifiantes (et souvent guerrières) qui n’apportent rien à personne, sauf un moment père-fils pendant lequel tu te demandes combien de fois il faut que tu utilises des tournures de phrases comme «… m’en allant promener» avant de pouvoir te pendre avec le cordon du store.

Donnons quelques exemples concrets. Il y a l’histoire de ce dude, Malbrough (prononcer Malbroutte) – quelqu’un, vérification faite, dont on se contre-câlisse –, qui s’en va-t’en-guerre. Il y a aussi l’aventure de ce furet qui court dans son bois joli sans qu’on sache vraiment pourquoi. Il y a aussi ce petit cave qui a perdu le do de sa calvaire de clarinette, encore une fois une information non nécessaire à nos vies. Parlant d’imbécile, rappelons-nous celui répondant au nom de Michaud, qui est tombé parce qu’il ne sait pas monter dans un simple pommier, s’est pété la face et a décidé de recommencer dans un autre arbre, un agissement, on doit le dire, qui témoigne d’un manque d’intelligence évident. Il y a cette histoire qui donne d’excellents conseils sur la méthode à utiliser pour planter des choux. Enfin, il y a cette mésaventure de celle qu’on appelle la Mère Michel qui a perdu son chat et qui propose ni plus ni moins de se prostituer pour le récupérer, mais personne ne veut de ses services, même pas ce vieux Lustucru qui est pourtant l’archétype du monsieur creepy. La liste est interminable.

Bref, les comptines sont des chansons de médiocre qualité dont on continue de perpétuer l’héritage pour l’unique raison qu’on l’a toujours fait; un sophisme de type «appel à la tradition» qui n’est pas sans laisser de cicatrices mentales à de trop nombreux parents et enfants. En plus, il est à parier que ce supplice se produit dans toutes les langues du monde, les parents répétant les mêmes vieilles rengaines, encore et encore, lesquelles se perpétuent comme un genre de chlamydia culturelle qui traverse les siècles.

La seule chose amusante, la seule chose qui rend la situation vaguement tolérable, c’est quand, dans ta vie professionnelle, tu te donnes comme défi d’utiliser certaines des paroles tirées de ces comptines, de les utiliser hors contexte, comme s’il s’agissait d’expressions bien connues. Par exemple, à la fin d’un appel conférence important où il y a une vingtaine de participants, tu peux terminer la rencontre par un: «Bon, voilà tous les points dont on voulait discuter aujourd’hui avec vous. Comme on dit, trois petits tours et puis s’en vont, han?» C’est super-lol.

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