Le passé garant de l’avenir?

On dit souvent que les gouvernements doivent penser l’État autrement afin de répondre aux enjeux des finances publiques et de la croissance économique. L’annonce, cette semaine, de la création de CDPQ Infra se classe sans l’ombre d’un doute dans cette catégorie. Dorénavant, on puisera dans le bas de laine des Québécois pour financer certains projets d’infra­structures, notamment en matière de transports collectifs. Cela semble logique. Après tout, la Caisse de dépôt peut s’appuyer sur une certaine expertise en matière d’infrastructures, acquise à l’international…

Toutefois, on doit se demander si cette nouvelle approche, ou entente commerciale comme l’appelle le premier ministre Couillard, préservera l’avenir ou mettra en péril la mission première de la Caisse. Héritage de la Révolution tranquille, elle est née il y a cinquante ans à la suite d’une promesse électorale visant à créer un fonds de retraite pour les Québécois. On lui a confié le mandat de faire fructifier ces avoirs tout en contribuant à la croissance économique du Québec.

Lors d’une allocution prononcée dans le cadre du processus d’adoption du projet de loi en 1965, Jean Lesage disait : «Encore ne faut-il pas entretenir d’illusions sur l’usage qui doit être fait de la Caisse. En particulier, on aurait tort de croire que cet instrument doit servir à financer, dans n’importe quelle condition, des projets économiques ou sociaux si essentiels soient-ils. La Caisse n’est pas destinée à subventionner le gouvernement, les municipalités, ou les commissions scolaires et les entreprises. (…) Elle doit pouvoir satisfaire à la fois à des critères de rentabilité convenables et rendre disponibles ses fonds pour le développement à long terme du Québec.»

Autres temps, autres mœurs, peut-être, mais il y avait un objectif clair de la part du législateur lors de la création de la Caisse. Certains principes doivent être respectés. Le projet de loi que s’apprête à déposer le gouvernement libéral devra présenter des garanties. Il faut que la rentabilité soit au rendez-vous, qu’on respecte l’indépendance de la Caisse et qu’on ne politise pas les processus avec des projets qui pourraient menacer la retraite des Québécois.

Avec raison, la Caisse a toujours été frileuse de son indépendance à travers l’histoire. Les quelques commandes politiques auxquelles elle a répondu par le passé n’ont pas permis de contribuer au rendement et au développement à long terme.
Faire autrement ne veut pas dire faire n’importe comment. Sans dire qu’il faut imposer une fin de non-recevoir au projet, on doit encore répondre à bien des questions. Si on doit aller de l’avant, il faudra regarder bien attentivement l’encadrement qui sera prévu dans le projet de loi et s’assurer qu’on préserve l’indépendance de la Caisse. Jean Lesage disait que les deux objectifs de la Caisse pouvaient se conjuguer, à condition d’«associer une prudence élémentaire à des objectifs économiques et financiers précis». De sages paroles dont on doit se souvenir.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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