Lettre à Léo Bureau-Blouin

Photo: Jacques Boissinot

Cher Léo,

On ne se connaît pas, mais, comme des centaines de milliers de Québécois, j’ai l’impression de te connaître.

Même si je suis favorable à une hausse des droits de scolarité (accompagnée d’une hausse comparable de l’aide financière), je n’ai pu qu’admirer l’intelligence, le calme, la pondération et la dignité avec lesquels tu t’es acquitté de tes responsabilités comme président de la FECQ et représentant de quelques dizaines de milliers d’étudiants. L’éloquence aussi.

J’ajouterais que tu as démontré de la classe, la vraie, pas celle qui ne se résume qu’à un slogan creux en lettres majuscules.

Mais là, je pense que tu commets une grosse erreur. Il est fort possible que tu sois élu si des élections ont lieu début septembre. Mais tu ne rendras service à personne, ni à toi, ni à nous, tes futurs commettants. Seulement au Parti québécois, bien content d’avoir un candidat si populaire.

Tu possèdes manifestement les qualités qui feront de toi, un jour, un politicien dont on a besoin. Mais il te manque encore un peu de vécu. Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, dira-t-on. C’est vrai, mais ce n’est pas qu’une question de valeur. Plutôt d’expériences diverses, de voyages, de vécus, d’avoir aussi complété tes études et travaillé un peu. D’avoir passé quelques années parmi nous, simples mortels, avant de t’enfermer dans la bulle politicienne.

Ou, plus simplement, d’avoir eu le temps de développer une certaine idée du Québec. Certains vont me traiter de paternaliste, mais ce n’est pas exagéré de dire qu’on connaît bien peu de choses à 20 ans. qu’à 20 ans, on peut encore aller se chercher un peu de bagage.

Peut-être as-tu pensé qu’il fallait profiter du train qui passe. C’est vrai que ça peut sembler la chance d’une vie. Qui sait si ton étoile brillera autant dans trois, quatre ou cinq ans?

Mais le plus grand danger pour toi et pour ta future carrière, et pour nous, citoyens, qui avons besoin de politiciens de qualité, n’est pas que tu restes en retrait, ou même que tu te fasses battre lors des élections.

Le plus grand danger est que tu sois élu député le 4 septembre. Que tu y prennes goût. Que tu te fasses réélire. Et qu’éventuellement tu ne connaisses que ça. Ça te tente vraiment de marcher dans les pas de Jean Charest? Lui aussi a été élu à un jeune âge. Je te laisse juger du résultat.

Comme des parcours de Nathalie Normandeau et Mario Dumont, d’autres jeunes stars de la politique. Le legs de la première, en-dehors de quelques « pets de vache », se passe de commentaires. Le second, animé aussi par des convictions sincères à la suite du refus du Parti libéral du Québec de prendre acte de l’échec de l’accord du Lac Meech, a vu une carrière prometteuse se terminer en queue de poisson après voir connu quelques égarements identitaires. C’est dommage. Tout comme la sortie de piste d’André Boisclair.

On pourrait ajouter à la liste ta nouvelle patronne, Pauline Marois, qui a commencé à tenter de se faire élire à la direction du Parti québécois il y a près de trente ans, mais qui n’a jamais vraiment développé de pensée politique cohérente, ce qui s’est traduit par un leadership peu inspirant.

Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, plutôt que de me réjouir du nouveau député sur lequel le Québec pourra probablement compter dans quelques semaines, je me sens plutôt en deuil du politicien formidable que tu aurais pu être dans quelques années.

J’aimerais bien un jour avoir la chance de pouvoir voter pour toi.

Mais pas tout de suite.

Sincèrement,

Patrick

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