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De «Big Mart» à un «tueur déterminé»: l’histoire de Martin Couture-Rouleau

Photo: Courtoisie
Marie-Josée Parent - Le Canada Français / TC Media

Ses copains le surnommait «Big Mart». Il était un jeune père de famille sociable et généreux. Que s’est-il passé dans la tête de Martin Couture-Rouleau pour qu’il décide de foncer sur des militaires avec sa voiture, le 20 octobre 2014? Les journalistes Fabrice de Pierrebourg et Vincent Larouche se sont penchés sur la question dans le livre Djihad.ca.

Ce qui est inquiétant, mais extrêmement fascinant, c’est la vitesse à laquelle Martin Couture-Rouleau s’est radicalisé. Il s’est converti et il a frappé un an et demi plus tard», rappelle d’emblée Fabrice de Pierrebourg, lors d’une entrevue accordée au Canada Français.

Journaliste d’enquête spécialisé dans les questions de sécurité nationale, il est l’auteur principal du livre Djihad.ca, un bouquin qui explore le phénomène de la radicalisation à travers plusieurs personnages.

Parmi eux, Martin Couture-Rouleau. Les premières pages du volume lui sont presque entièrement consacrées. «Son histoire est celle d’un grand naufrage personnel, estime Fabrice de Pierrebourg. Il y a eu un amoncellement de nuages noirs dans sa vie et il n’a pas pris les bonnes décisions.»

Attentat
Transporté à bord de la Nissan Altima d’«Ahmad le converti», le lecteur guette avec lui l’apparition des militaires. Il est 11h33 lorsque Martin Couture-Rouleau appuie sur l’accélérateur et fonce sur trois soldats dans le stationnement de la SAAQ.

Prenant la fuite, il contacte le 911. Selon les informations recueillies par les auteurs, il affirme que «son geste est un «avertissement» au Canada» et réclame que l’armée canadienne «débarque de la Coalition» qui lutte contre l’État islamique. Il n’a pas l’intention de se rendre. Au contraire, il souhaite «croiser un autre soldat et l’abattre».

La présence d’un imposant poignard à ses côtés laisse croire qu’il disait vrai, estime Fabrice de Pierrebourg. Son plan initial était peut-être d’imiter les tueurs de Woolwich. En mai 2013, en banlieue de Londres, deux convertis djihadistes «avaient renversé un soldat avec leur automobile avant de se jeter sur lui pour le larder de coups de couteau et de hachoir à viande avant d’entreprendre de le décapiter».

Descente aux enfers
Pour comprendre ce qui s’est passé dans la tête du tueur, Fabrice de Pierrebourg s’est longuement penché sur son passé. Il a rencontré ses proches et il a même discuté avec un correspondant pakistanais avec qui «Rouleau s’était lié d’amitié».

«Big Mart» s’est converti en 2013 après avoir connu une série «de déboires professionnels, mais aussi personnels». Père d’un jeune garçon né en 2011, il a obtenu la garde partagée du petit jusqu’au jour où son ex-conjointe s’est inquiétée de sa nouvelle ferveur, apprend-on dans Djihad.ca.

Selon les auteurs, Martin Couture-Rouleau a tenté une première fois de rejoindre le Pakistan en 2014, mais une tempête de neige l’a cloué au sol. De retour à Saint-Jean, il a poursuivi sa radicalisation en continuant «à se bâtir via Facebook un réseau d’amis dans quelques pays du Moyen-Orient» et à s’abreuver des propos de prédicateurs.

C’est en avril 2014 que les autorités ont commencé à suivre plus attentivement ses faits et gestes. C’est ainsi que Martin Couture-Rouleau a pu être arrêté en tentant de s’envoler pour la Turquie, la porte d’entrée des moudjahidin qui veulent rejoindre «la terre de djihad». Son passeport a alors été confisqué.

Surveillance
Sa dernière rencontre avec les policiers a eu lieu 11 jours avant l’attentat, où les enquêteurs ont d’ailleurs cru que Martin Couture-Rouleau voulait s’amender. Fabrice de Pierrebourg pense que le tueur a alors réussi à dissimuler ses véritables intentions.

Une fois la surveillance policière relâchée, il a été en mesure de préparer son plan et même faire du repérage, comme l’a confirmé une employée du Tim Horton’s qui l’a eu comme client dans les jours précédant l’attaque.

«Ce qui est troublant, conclut Fabrice de Pierrebourg, c’est que la GRC l’avait détecté. Ce sont des cas très complexes et les policiers n’ont pas le choix de prioriser. Il y a tellement de gens qui font des menaces. Ils en ont plein les bras.»

Djihad.ca est publié aux éditions La Presse. Outre l’histoire de Rouleau qui comprend de nombreux autres détails, les auteurs présentent plusieurs facettes du terrorisme «à la canadienne». Ils sont entrés en contact avec des combattants et ont aussi rencontré ceux qui les traquent pour les services de sécurité.

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