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Accord Canada-UE: reprise des négociations

Canada's Minister of International Trade Chrystia Freeland speaks at a press conference at the signing of the Trans-Pacific Partnership Agreement in Auckland, New Zealand, Thursday, Feb. 4, 2016. Freeland walked out Friday on talks aimed at convincing the holdout Belgian region of Wallonia to agree to the European Union's wide-ranging free trade deal with Canada. THE CANADIAN PRESS/AP, David Rowland/SNPA via AP NEW ZEALAND OUT Photo: La Presse Canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a annoncé une reprise in extremis des négociations sur le traité de libre-échange Canada-UE, après que la ministre du Commerce international du Canada, Chrystia Freeland, eut évoqué la mort de l’entente en raison de l’opposition de la Wallonie.

Le dirigeant européen a indiqué tard, vendredi soir, sur son compte Twitter, qu’il rencontrerait la ministre canadienne à 7 h 30, heure de Bruxelles, samedi matin. Cette réunion sera suivie peu après d’une réunion avec le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette, à 9 h, a-t-il précisé.

Sur son compte Twitter, M. Schulz a plaidé qu’on ne pouvait «arrêter dans le dernier mille», après une journée marquée par le départ subit de Mme Freeland. Celle-ci a claqué la porte d’une séance de pourparlers en concluant à «la fin et l’échec des discussions avec la Wallonie».

La ministre se trouvait toujours en sol européen, selon une source gouvernementale canadienne. Son bureau a cependant refusé de confirmer vendredi soir si elle participerait à la rencontre évoquée sur Twitter par le président du Parlement européen.

Un peu plus tôt, vendredi, Chrystia Freeland a quitté la table de négociations, en se désolant «que l’Union européenne ne soit pas capable maintenant d’avoir un accord international, même avec un pays qui a des valeurs si européennes comme le Canada, et même avec un pays si gentil et avec beaucoup de patience comme le Canada».

Le gouvernement canadien, après tout, avait réussi à rallier au cours des derniers mois des pays au départ récalcitrants comme l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Bulgarie ou encore la Roumanie, a-t-elle tenu à rappeler.

«Le Canada est déçu. Moi, personnellement, je suis très déçue. J’ai travaillé très, très fort. Mais je pense que c’est impossible. Nous avons décidé de retourner chez nous», a lâché la ministre libérale à sa sortie de l’Élysette, le siège du gouvernement wallon, à Namur.

«Je suis très, très triste, vraiment. C’est une chose émotionnelle (sic) pour moi. La seule bonne chose que je peux dire, c’est que demain matin, je serai chez moi avec mes trois enfants», a conclu Mme Freeland, qui avait peine à retenir ses larmes.

Du côté d’Ottawa, son secrétaire parlementaire, David Lametti, a refusé de dire si le gouvernement libéral avait définitivement jeté l’éponge, se bornant à répéter que «la balle est dans le camp» de l’Union européenne (UE). Le même message était obstinément répété par plusieurs sources gouvernementales canadiennes.

La Commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, s’est tournée vers Twitter pour exprimer sa déception face à la tournure des événements, vendredi. Elle a cependant suggéré que l’Accord économique global et commercial (AECG) n’était pas encore mort et enterré.

«Nous nous sommes impliqués sans réserve avec la Wallonie ces derniers jours. Vraiment triste que les pourparlers aient achoppé. (J’)espère toujours trouver une solution pour signer l’AECG», a-t-elle gazouillé.

«Des progrès intéressants avaient été réalisés pour un bon nombre d’aspects qui préoccupaient la Wallonie dans l’AECG. Je crois sincèrement que le processus n’est pas terminé», a poursuivi Mme Malmström dans un message subséquent.

Les négociations sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’UE se heurtent à l’opposition du Parlement de Wallonie, cette région belge francophone de 3,6 millions d’habitants. Une majorité de députés wallons a voté contre la ratification du traité commercial la semaine dernière.

Bien que la Belgique soit en faveur de l’AECG, sa constitution édicte qu’un tel accord commercial doit aussi être approuvé par ses trois gouvernements régionaux — Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est personnellement impliqué dans le dossier au cours des dernières heures. Son bureau a confirmé vendredi qu’il avait conversé avec son homologue belge, Charles Michel, tard jeudi soir.

La semaine passée, le dirigeant canadien avait martelé que le rejet du traité lancerait un message «désolant» sur la direction que souhaite prendre le groupe des 28 et remettrait carrément en cause l’«utilité» de l’UE.

Mais voilà, les Wallons persistent et signent: ils redoutent entre autres que leur marché agricole soit inondé de produits canadiens peu dispendieux et entretiennent des appréhensions face au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

Et face à des questions aussi complexes, les législateurs régionaux ont «besoin encore d’un peu de temps», a justifié vendredi le ministre-président Paul Magnette lors d’une intervention diffusée à la télévision belge.

«Je comprends que pour les Canadiens, ce soit très long, ça fait pour eux sept années de discussions. Mais pour nous, Wallons, ça fait seulement 15 jours qu’on est dans le dossier, et c’est compliqué pour moi de dire qu’il faut décider tout de suite, aujourd’hui», a-t-il fait valoir.

L’ambassadrice de l’UE au Canada, Marie-Anne Coninsx, est convaincue que les autorités européennes n’ont aucunement négligé de tenir compte des particularités régionales et des réticences de la Wallonie.

«On n’a oublié rien du tout dans l’accord», a-t-elle tranché en entrevue en marge d’un événement du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), où l’on devait discuter des retombées de l’AECG pour le Québec.

«C’est un accord qui garantit des standards qui sont au plus haut niveau. Et ces derniers jours, on a écouté les soucis que la Wallonie a mentionnés (…) et on a expliqué clairement que l’accord n’affaiblissait pas ces standards et répondait tout à fait aux soucis», a-t-elle offert.

La ministre Freeland a passé les trois derniers jours à tenter d’apaiser les craintes wallones. Avant de s’envoler vers la Belgique, elle assurait que le Canada avait fait tout en son pouvoir pour assurer la ratification de l’accord et que c’était désormais à l’Europe de jouer.

Son départ en trombe de la rencontre qui se tenait à Namur, en Belgique, a été critiqué par les conservateurs, vendredi.

«Avec 28 États membres, on sait qu’on va frapper un mur à quelques occasions. (…) Mais ce n’est pas une raison de jeter l’éponge et de s’en aller», a reproché en mêlée de presse le porte-parole du parti en matière de commerce international, Gerry Ritz

De son côté, le député néo-démocrate Murray Rankin a dit voir en cette résistance wallone une occasion d’apporter à un accord «toujours pas parfait» des changements qui pourraient être bénéfiques pour les Canadiens «au lieu de transformer ça en crise».

Le premier ministre Trudeau devait se rendre la semaine prochaine à Bruxelles, en Belgique, pour signer l’entente dans le cadre d’un sommet Canada-UE. À la lumière des récents développements, le sort de ce voyage demeurait incertain, vendredi.

L’AECG donnerait au Canada un accès un marché de 500 millions d’habitants.

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