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Jocelyn Dupuis ira en prison

Caroline St-Pierre, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’ancien directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis a été débouté par la Cour d’appel, qui a unanimement rejeté sa requête en arrêt de procédures et lui a ordonné de se livrer aux autorités carcérales dans les 48 heures.

Jocelyn Dupuis avait été reconnu coupable à l’automne 2014 d’une accusation de fabrication de faux et d’une autre de fraude totalisant plus de 63 000 $. Il s’était vu imposer une peine de 12 mois de prison.

Son avocat avait immédiatement fait appel du verdict et de la peine et son client avait été rapidement libéré.

Jocelyn Dupuis avait plaidé non coupable à des accusations liées à des comptes de dépenses totalisant 225 000 $ qu’il avait présentés pendant près d’un an, entre 2007 et 2008, et qui étaient en grande partie appuyés sur des reçus fictifs qu’il rédigeait lui-même ou sur des comptes de dépenses artificiellement gonflés.

Au cours de la période analysée par la poursuite, l’ex-directeur général avait remis 43 rapports de dépenses totalisant 225 000 $. La Sûreté du Québec s’était plus particulièrement penchée sur 144 reçus irréguliers de six restaurants montréalais, qui représentaient potentiellement plus de 63 000 $ de réclamations fictives ou gonflées. La preuve démontrait notamment que l’ancien directeur général n’hésitait pas à commander plus d’une bouteille de vin à 300 $ ou même 400 $ pour arroser ses repas.

L’avocat de Jocelyn Dupuis avait offert une plaidoirie pour le moins inusitée, dans laquelle il avait admis que son client avait bel et bien fabriqué de faux reçus pour gonfler ses dépenses. Il avait cependant indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une fraude puisque tout l’argent réclamé était destiné au bénéfice des travailleurs.

Il avait aussi fait valoir que toute la direction et le conseil d’administration du syndicat étaient bien au fait de la pratique et qu’il ne pouvait donc, de ce fait, s’agir d’un crime puisque personne n’avait subi de préjudice.

Jocelyn Dupuis avait pris la tête de la FTQ-Construction en 1997. Il a quitté ses fonctions à la fin de 2008.

Délais contestés

Dans leur jugement publié vendredi, les trois juges de la Cour d’appel ont écrit qu’à leur avis, le juge de première instance, Denis Lavergne, n’a pas commis d’erreur. «Il s’est bien dirigé en droit et a correctement interprété la preuve», font-ils valoir, ajoutant que «dans les circonstances, il y a lieu de confirmer les verdicts de culpabilité et de rejeter l’appel interjeté contre ceux-ci».

Les juges de la Cour d’appel estiment également que «le juge n’a pas commis d’erreur pouvant avoir un impact sur la peine qu’il a prononcée».

La Cour d’appel s’est notamment penchée sur l’argument de «délais déraisonnables» présenté par les avocats de Jocelyn Dupuis et rejeté par le juge Lavergne. Les trois juges ont ainsi tenu compte du récent «arrêt Jordan» de la Cour suprême, qui juge déraisonnable un délai de plus de 30 mois entre le dépôt des accusations et la conclusion d’un procès devant une cour supérieure.

Les juges ont expliqué que le délai global entre l’inculpation de l’appelant et le verdict de culpabilité prononcé à son endroit est de 54 mois et 16 jours, mais ont précisé que l’on devait soustraire de ce délai «ceux qui sont attribuables à l’appelant de même que ceux qui ont fait l’objet d’une renonciation de sa part, lesquels totalisent 13 mois et 26 jours». Enfin, on doit également soustraire 12 mois et 15 jours attribuables à une grève des procureurs de la Couronne.

«Le délai obtenu, auquel il faut maintenant appliquer la mesure transitoire exceptionnelle élaborée par la Cour suprême dans l’arrêt Jordan, est donc de 28 mois et 5 jours ou 28 mois si on arrondit», écrivent les juges.

Ken Pereira n’a pas de sentiment de justice

L’ancien syndicaliste Ken Pereira, qui a entre autres dénoncé les comptes de dépenses de Jocelyn Dupuis, ne s’est pas montré particulièrement heureux de la décision de la Cour d’appel.

«Le monde pense qu’on est content quand quelqu’un s’en va en prison. Moi ça ne m’apporte absolument rien. Zéro. Moi ma vie syndicale est finie. Qu’il soit en prison aujourd’hui, c’est dommage pour lui et pour sa famille plus que (pour moi). Je ne suis pas content», a-t-il réagi en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

«L’ironie des choses, c’est que s’il m’avait écouté, il ne serait pas en prison», a-t-il ajouté, expliquant que les agissements de Jocelyn Dupuis étaient connus de tous à la FTQ-Construction.

C’est d’ailleurs pour cette raison que Ken Pereira n’a pas l’impression, avec cette décision de la Cour d’appel, que justice a été rendue, puisqu’il estime que Jocelyn Dupuis paie alors que d’autres personnes au sein de la direction du syndicat s’en sortent sans blâme.

«Jocelyn Dupuis a volé la banque, mais eux étaient dans le char et ils l’attendaient dehors», a-t-il illustré.

La FTQ-Construction n’a pas souhaité commenter la décision de la Cour d’appel.

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