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Barrette serre encore la vis aux médecins

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot / La Presse Canadienne
Jocelyne Richer, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — Les médecins vont perdre un peu plus d’autonomie professionnelle, dès l’adoption du projet de loi 130 déposé vendredi par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

Cette perspective est loin de réjouir les deux principaux regroupements de médecins, qui sont aussitôt montés aux barricades, associant cette initiative à une nouvelle manoeuvre visant à intimider les médecins et à mieux les contrôler, une avenue ne pouvant que mener au chaos dans le réseau de la santé, selon eux.

Avec ce projet de loi, déposé à la dernière minute au dernier jour de la session parlementaire, le ministre Barrette trouve un nouveau moyen, après la loi 20 qui visait le même objectif, d’augmenter la productivité des médecins, de gré ou de force.

Cette fois, le ministre entend donner le pouvoir aux directions des centres hospitaliers de punir les médecins dont la pratique ne répondra pas aux besoins de l’établissement et à son fonctionnement optimal au jour le jour.

La finalité, a-t-il dit, c’est l’efficacité de l’organisation, et le moyen c’est une hausse de la productivité et de la disponibilité des médecins, appelés désormais à se soumettre aux obligations de services formulées par les dirigeants du réseau hospitalier.

Prenons le cas fictif d’un hôpital dont une salle d’opération serait déserte tous les vendredis, faute de chirurgiens intéressés à travailler ce jour-là. Avec la loi 130, les médecins de cet établissement pourraient s’exposer à des mesures disciplinaires, voire à perdre carrément le privilège de pratiquer dans cet hôpital, s’ils refusent de se conformer aux exigences exprimées par la direction en termes de services requis.

En conférence de presse, le ministre Barrette, qui se dit déjà en campagne électorale, a expliqué que son but était uniquement d’assurer l’efficience du réseau hospitalier. Il s’est dit cependant bien conscient qu’il allait par la bande froisser la susceptibilité des regroupements de médecins, prompts à dénoncer une nouvelle attaque à leur autonomie professionnelle.

«Cela va créer un grand émoi dans la communauté médicale. Elle va considérer que c’est une attaque frontale à leur autonomie professionnelle historique», a anticipé cet ancien président de la Fédération des médecins spécialistes.

Effectivement, la réaction du corps médical ne s’est pas fait attendre.

Selon la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), qui représente 10 000 médecins, le ministre Barrette sort une fois de plus la matraque.

«Fidèle à sa façon de faire depuis son entrée en fonction, Gaétan Barrette a choisi la voie de l’imposition législative unilatérale plutôt que le dialogue et la collaboration. Au lieu de travailler avec nous, il préfère utiliser à nouveau sa matraque», a commenté la présidente de l’organisation, la docteure Diane Francoeur, convaincue que le ministre se sert de ce projet de loi «pour régler ses comptes avec d’anciens collègues».

«Faire passer les médecins pour des fainéants, des enfants gâtés et des irresponsables est inacceptable. Affirmer que les médecins n’ont pas d’obligations à l’hôpital est de la pure démagogie. Non, l’autonomie professionnelle des médecins ne sera pas le cadeau de Noël de Gaétan Barrette», a commenté la docteure Francoeur.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a réagi sur le même ton.

«Force est de constater que la politique spectacle et la soif de contrôle du ministre semblent l’emporter sur tout le reste», a jugé le président de la fédération, le docteur Louis Godin, déplorant de voir le ministre adopter «une logique de confrontation» et privilégier «l’intimidation et la coercition à la collaboration».

Selon lui, le ministre ne fait une fois de plus que «décourager les plus dévoués et semer le chaos un peu partout dans le réseau».

En conférence de presse, le ministre Barrette n’a pas hésité à égratigner la réputation de ses anciens collègues. Il s’en est pris aux médecins qui choisissent uniquement d’exécuter les tâches qui font leur affaire, qui leur plaisent, laissant de côté d’autres tâches pourtant essentielles au bon fonctionnement d’un hôpital, «parce qu’ils n’aiment pas ça, parce qu’ils trouvent ça plate». Il a aussi dénoncé ceux qui refusent de se rendre dans tel hôpital de telle ville située sur leur territoire de pratique, sous prétexte qu’ils n’ont pas le goût de se déplacer.

«Ça existe», a-t-il assuré, citant de nombreux exemples de médecins qui fonctionnent «au bon vouloir de tout un chacun».

Or, il serait normal, a-t-il poursuivi, que la direction d’un hôpital puisse dire à des médecins: «vous avez des privilèges, vous aurez aussi des obligations de respecter l’organisation des soins de l’établissement où vous pratiquez».

«Il y a des patients qui, aujourd’hui, attendent encore le résultat d’un examen» fait il y a «des semaines, des mois», sans que la direction de l’établissement en question puisse intervenir, a-t-il dit.

Désormais, «ces privilèges seront rattachés à des obligations organisationnelles», a tranché le ministre. La loi fera en sorte que «les médecins ne puissent plus être en toute occasion libres de faire ce qu’ils veulent».

Déjà, avec sa loi 20, qui modifiait leur pratique, le ministre s’était mis à dos les médecins, furieux de se voir imposer d’accroître le nombre de leurs patients, sous peine de voir leur rémunération amputée.

Le projet de loi 130 «est un constat d’échec du projet de loi 20», selon la porte-parole péquiste en santé, la députée Diane Lamarre. Elle déplore l’attitude «agressante» du ministre «qui ne tient pas compte d’une façon de travailler en équipe», davantage axée sur les résultats et non les volumes.

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