Soutenez

Djemila Benhabib acquittée du chef de diffamation

Photo: Collaboration spéciale
Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — La Cour supérieure a acquitté l’essayiste Djemila Benhabib, qui était poursuivie pour diffamation par un établissement scolaire privé de Montréal.

Dans un jugement publié mardi, la juge Carole Hallée explique que les Écoles musulmanes de Montréal n’avaient pu démontrer que Mme Benhabib avait voulu ou même réussi à porter atteinte à la réputation de l’établissement, qui accueille des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire.

Lors d’une entrevue accordée en 2012 sur les ondes du 98,5 FM, Mme Benhabib soutenait voir peu de différences entre l’endoctrinement pratiqué dans cet établissement scolaire et les camps d’entraînement militaire en Afghanistan et au Pakistan — en admettant immédiatement avec l’animateur Benoît Dutrisac qu’elle «forçait peut-être le trait».

La militante féministe et laïque, auteure notamment de «Ma vie à contre Coran», s’inquiétait aussi de certains versets coraniques publiés sur le site internet de l’établissement qui promettaient un sort atroce aux infidèles. Elle déplorait aussi l’obligation faite aux jeunes écolières de porter le hidjab.

«On est en train de fabriquer des militants intégristes qui vont revendiquer d’ici quelques années des accommodements», soutenait Mme Benhabib, militante infatigable de la laïcité.

Écoles musulmanes de Montréal soutenait que les propos de Mme Benhabib avaient grandement porté atteinte à sa réputation et réclamait 95 000 $ en dommages. Le président des Écoles, Ahmed Khébir, a soutenu devant le tribunal que les inscriptions avaient diminué après la diffusion de l’entrevue, ce que la juge Hallée n’a pas retenu.

Elle a estimé que Mme Benhabib n’avait commis aucun crime en accordant une entrevue à la radio pour aborder un des sujets auxquels elle a consacré une partie de sa carrière. L’accusée, conclut la juge Hallée, a en fait exercé son droit à la liberté d’expression sur un enjeu qui est sans contredit d’intérêt public.

Diffamation et intérêt public

L’avocat de Mme Benhabib, Marc-André Nadon, a d’ailleurs rappelé qu’en matière de diffamation, «l’intérêt public est le ‘baromètre’ de la liberté d’expression».

«Il s’agit d’une bonne décision, selon nous, qui réitère des principes importants déjà bien établis par la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel du Québec dans divers arrêts: en matière de diffamation, plus le sujet traité est d’intérêt public, plus les tribunaux doivent faire une grande place à la liberté d’expression», a soutenu Me Nadon, mardi.

«Nous avons plaidé que les propos pris dans leur ensemble étaient raisonnables et justifiés, dans le cadre d’une société comme la nôtre, qui permet les critiques, même sévères, à l’égard de la religion et des méthodes d’enseignement», a résumé l’avocat. Par ailleurs, la juge «s’est penchée sur le contenu des témoignages, autant du président des Écoles, Ahmed Khébir, que des autres témoins — notamment des étudiantes ou anciennes étudiantes, et elle n’a pu en déduire que la preuve de dommages avait été faite».

Mme Benhabib, auteure de plusieurs essais, est née en Ukraine d’un père algérien et d’une mère chypriote grecque. Elle dit avoir souffert d’un système d’éducation islamique et mène depuis des années, au Canada et en Europe, un combat contre l’«islam politique».

L’avocat des Écoles musulmanes de Montréal, Julius Grey, a refusé de commenter le jugement, mardi, ou d’indiquer s’il ferait appel de la décision.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.