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Ottawa: les partis d’opposition à la recherche d’un chef

Conservative leadership candidate Lisa Rait, centre, responds to questions from the audience at a Conservative leadership debate in Greely, Ont., on Sunday, November 13, 2016. Other party leadership hopefuls observe on stage. THE CANADIAN PRESS/Fred Chartrand Photo: THE CANADIAN PRESS
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — L’année 2017 se déroulera sous le signe du changement pour l’opposition à Ottawa, alors qu’au moins deux des trois chefs de parti céderont les rênes de leur formation. Si, chez les conservateurs, on se bouscule au portillon pour succéder à Stephen Harper, du côté des néo-démocrates, peu ont levé la main pour remplacer Thomas Mulcair. Et pendant ce temps, au Bloc québécois, l’intérêt de Martine Ouellet pour le poste est venu brouiller les cartes — et pourrait repousser l’élection d’un nouveau chef à 2018.

Tour d’horizon.

Parti conservateur du Canada

Ils sont 14. Dans les premiers mois de cette course, quelques-uns se sont certes détachés du lot — «Mad Max» (Maxime Bernier) avec sa flopée de propositions, Kellie Leitch avec son filtre de «valeurs anticanadiennes» ou encore Michael Chong avec sa taxe carbone. Mais sondage après sondage, on constate qu’aucun des compétiteurs ne détient une avance significative. En fait, la dernière enquête d’opinion de Forum Research démontrait que 53 pour cent des personnes interrogées veulent «quelqu’un d’autre», résultat similaire à celui d’un sondage réalisé par la même firme en octobre.

Il faudra surveiller dans les prochaines semaines la possible entrée en scène d’un «quelqu’un d’autre»: l’homme d’affaires et vedette de la télévision Kevin O’Leary, qui a récemment formé un comité exploratoire et lancé un site internet pour déterminer s’il devrait briguer la direction du parti. «Ça amènerait de l’intérêt, ça, c’est sûr. Il pourrait venir brasser un peu la cage comme Donald Trump (…) Les gens ne pourraient pas s’empêcher de faire un parallèle avec Trump: un homme d’affaires, riche, assez indépendant, qui arrive avec des nouvelles idées», note Geneviève Tellier, professeure titulaire de sciences politiques à l’Université d’Ottawa.

Reste à voir si Kevin O’Leary jouera la carte populiste comme le fait Kellie Leitch, qui verse abondamment dans ce registre avec ses dénonciations à répétition des élites sociales et médiatiques et ses propositions identitaires controversées. Car la stratégie a été payante: à coup de déclarations fracassantes, la députée pratiquement inconnue du grand public a fait le plein de notoriété grâce à la visibilité médiatique dont elle a bénéficié.

Les deux candidats partagent le même handicap: ils ne parlent pas français. Mme Leitch en a fait la pénible démonstration lors du premier débat bilingue qui s’est tenu au début décembre à Moncton, à l’instar de ses rivaux unilingues anglophones Lisa Raitt, Brad Trost et Deepak Obhrai. Plusieurs voient M. O’Leary s’épargner le fardeau de participer à certains des débats prévus au calendrier — plus spécialement celui qui se tiendra exclusivement en français, à Québec, le 17 janvier — et plonger ensuite.

La question de la langue «peut jouer dans cette course-là», mais ultimement, le nerf de la guerre, ce sera l’argent, estime Geneviève Tellier. Pour l’heure, selon les dernières données d’Élections Canada, ce sont les trésors de guerre de Maxime Bernier et de Kellie Leitch qui sont les plus garnis. La date limite pour soumettre une candidature à la succession de Stephen Harper est le 24 février. Le prochain chef sera connu le 27 mai à l’issue d’un vote préférentiel, mode de scrutin parfois hautement imprévisible avec tant de candidats en lice.

Nouveau Parti démocratique

À l’inverse, chez les néo-démocrates, ce n’est pas exactement la ruée pour remplacer Thomas Mulcair, chassé de son poste en avril par les militants de son propre parti, qui ont réclamé dans une proportion de 52 pour cent la tenue d’une course à la chefferie. «Je serais inquiète si j’étais militante du NPD. Contrairement à ce qui se passe au Parti conservateur, où on essaie d’avoir de la visibilité, on dirait que personne ne veut avoir de la visibilité» au NPD, suggère Geneviève Tellier.

Deux élus charismatiques qui jouissent d’une bonne cote de notoriété, Nathan Cullen et Alexandre Boulerice, ont décidé de passer leur tour, comme l’avait fait avant eux leur populaire ex-collègue Megan Leslie, battue aux élections d’octobre 2015. Et mis à part les députés Peter Julian et Charlie Angus, qui ont quitté leur fonction en Chambre pour explorer l’idée de sauter dans l’arène, les autres candidats pressentis au sein de la députation du NPD — Guy Caron et Niki Ashton — demeurent passablement discrets.

«Je pense que c’est toujours mieux d’avoir la qualité que la quantité. Je ne veux pas dire que l’ensemble des candidatures du côté des conservateurs ne sont pas de qualité, mais il reste que c’est difficile d’avoir une cohésion avec 14 candidatures. Je ne m’attends pas à voir ça de notre côté», plaide en entrevue le député Caron. «Lorsqu’on fait le tour des candidatures potentielles, on parle de cinq, six, maximum sept», poursuit-il.

Parmi les autres noms qui circulent figurent ceux de l’ancienne présidente du parti, Rebecca Blaikie, et de Mike Layton, fils de feu Jack Layton, mais aussi — et peut-être surtout — celui de Jagmeet Singh, le jeune et énergique chef adjoint du NPD à Queen’s Park, considéré comme une étoile montante au sein du parti. À la mi-décembre, il a fait un saut à Ottawa pour la fête de Noël du caucus du NPD, où il a mené «une offensive de charme» au cours de laquelle «il y a eu beaucoup d’égoportraits», selon un employé du parti cité par le «National Post».

Celui qui prendra les commandes en remplacement de Thomas Mulcair d’ici le 29 octobre 2017, date limite fixée par le parti pour l’élection d’un nouveau chef, aura fort à faire pour être bien en selle d’ici les prochaines élections à date fixe prévues le 21 octobre 2019. D’après la professeure Tellier, en choisissant de rester à la barre du NPD aussi longtemps, le député d’Outremont n’a «pas nécessairement rendu service» à son successeur, à qui il «n’a pas donné une chance de vraiment prendre le temps pour développer son programme».

Bloc québécois

L’intérim de Rhéal Fortin à la barre de la formation orpheline de chef permanent depuis le départ de Gilles Duceppe, battu aux élections d’octobre 2015, pourrait bien se prolonger jusqu’en 2018. Les membres du parti seront appelés à se prononcer sur cette question le 4 février au conseil général du Bloc québécois. Le député Luc Thériault y portera une proposition stipulant notamment «que cette course débute à la fin d’avril 2018 pour se terminer à la mi-juin 2018».

Bref, une proposition qui semble taillée sur mesure pour Martine Ouellet. Car si elle est entérinée par les membres du Bloc québécois, la (très brève) course à la chefferie se mettrait en branle à quelques semaines de la dissolution présumée de l’Assemblée nationale en prévision des élections générales québécoises fixées au 1er octobre 2018. Nul besoin, donc, pour la députée péquiste de Vachon de cumuler le poste d’élue au Salon bleu et de candidate à la direction d’un parti qui siège à la Chambre des communes à Ottawa. Cela lui éviterait aussi de quitter son siège pendant une période assez longue pour forcer la tenue d’élections complémentaires.

La possible candidature de Mme Ouellet est venue vider — en partie, à tout le moins — la banque des aspirants au poste: le député Xavier Barsalou-Duval et le comédien Denis Trudel, candidat malheureux aux dernières élections fédérales, avaient manifesté leur intérêt à se lancer, mais ils se sont rapidement ralliés à cette souverainiste considérée comme une «pure et dure» ayant échoué à deux reprises en l’espace de moins de deux ans à se faire élire à la tête du Parti québécois.

«On ne peut pas contester son militantisme; elle est dédiée à la cause. En même temps, on ne peut pas s’empêcher de se demander si c’est un prix de consolation», souligne Geneviève Tellier à l’autre bout du fil. Mais il est indéniable que l’élection à la tête du Bloc québécois d’une personne connue du public «aiderait forcément» la formation indépendantiste, fait remarquer la professeure.

La proposition de Luc Thériault n’est pas gagnée d’avance. Au Bloc, on dit que l’idée de repousser la course à la direction ne fait pas l’unanimité. Selon ce qu’a rapporté «Le Devoir» peu avant Noël, la formation pourrait déposer au conseil général la proposition de maintenir le cap vers l’élection d’un nouveau chef en 2017.

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