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L’altruisme: Petits gestes, grande portée

Photo: Mario Beauregard/Métro

Les gestes altruistes font rarement la manchette. De nombreuses personnes dévouées en posent cependant au quotidien afin d’améliorer un tant soit peu la qualité de vie des Montréalais. Qu’est-ce qui incite ces gens à investir temps, énergie et créativité pour faire du bien autour d’eux? Métro s’est entretenu avec quelques-unes de ces personnes.

Avec son t-shirt vert éclatant porté par-dessus sa combinaison molletonnée à motif léopard, difficile de ne pas remarquer Olivier Blais devant l’entrée de la station de métro Mont-Royal. Les bras tendus, le sourire aux lèvres, il offre des câlins gratuits aux passants.

Depuis quatre ans, le fondateur de la Brigade du Bonheur, de l’Amour et de la Paix organise des événements comme celui auquel Métro a assisté le 15 janvier dernier. Avec ses «brigadiers du bonheur», Olivier souhaite rendre le monde meilleur, un câlin à la fois.

Le geste semble banal, voire naïf. Pourtant, le jeune homme de 28 ans en mesure l’impact. Avec émotion, il se souvient d’un homme aux idées suicidaires qu’il a rencontré il y a deux mois à la station de métro Longueuil. Après leur accolade, l’homme a confié à Olivier que ce geste l’avait fait changer d’idée.

Pascale Andrée est aussi témoin de l’effet de sa contribution dans la communauté. La propriétaire de la Flèche rouge, une librairie d’Hochelaga-Maisonneuve, a installé il y a un an et demi un frigo communautaire dans son commerce, dans lequel les citoyens peuvent déposer ou prendre de la nourriture, selon leurs besoins. «Ce n’est pas facile pour ceux qui en ont besoin de venir demander de l’aide, c’est dur pour l’orgueil. Mais à force d’être là six jours par semaine et de parler avec les gens, des liens se sont créés», affirme-t-elle.

Son initiative a pris forme à la suite d’un atelier sur le gaspillage alimentaire qu’elle a tenu dans son commerce et au cours duquel elle a hérité d’un réfrigérateur. «Le frigo était là, l’espace était là…» Tout était en place pour démarrer Le petit Pantagruel, dont le nom est un clin d’œil littéraire à l’œuvre de François Rabelais, publiée en 1532.

«Je distribue du bonheur autour de moi, et j’en reçois en retour.» -Olivier Blais, fondateur de la Brigade du Bonheur, de l’Amour et de la Paix

Depuis un an, le frigo est un franc succès, selon Pascale André. «Les gens commencent à s’y habituer, le frigo est très souvent plein. Dans la première année, c’était plus difficile parce que la demande était beaucoup plus grande que l’offre, mais ça commence à s’équilibrer. Plus les gens connaissent le projet, plus ils participent et s’en préoccupent.»

Le petit Pantagruel est géré par l’ensemble de la communauté, mais la libraire s’assure qu’il soit toujours plein. «Quand je vois qu’il manque des trucs, je vais parler à certains commerçants du quartier que je connais qui vont gentiment donner des invendus, comme des pains ou des pâtisseries», explique-t-elle.

Passer à l’action

Qu’est-ce qui pousse des gens comme Olivier et Pascale à lancer de telles initiatives et à donner de leur temps pour faire du bien aux autres? Selon la professeure au Département de philosophie de l’Université de Montréal Christine Tappolet, il existe de nombreuses motivations, mais celles-ci sont difficiles à cerner. «Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi ça se développe plus chez certaines personnes, affirme-t-elle. Si on avait une réponse très claire, on pourrait avoir des programmes éducatifs qui formatent les gens de la manière souhaitable.»

Olivier Blais rapporte s’être posé deux grandes questions. «“Qui suis-je?” et “Quelle est ma mission, mon but dans la vie?” Chaque fois que je me posais cette question, une réponse revenait: je veux créer un monde meilleur.»

Et pourquoi prendre des inconnus dans ses bras? «Le câlin est la façon la plus facile et la plus simple de partager de l’amour avec une autre personne», répond-il.

Ce qui motive Pascale André, c’est notamment sa sensibilité à l’enjeu de l’accessibilité alimentaire. «Je sais qu’il y a un besoin réel dans le quartier, beaucoup de gens ont très faim, dit-elle. Et je juge que c’est très important de garder active la discussion sur le
gaspillage alimentaire.»

Du bien aux autres et à soi
Selon Mme Tappolet, on peut qualifier d’altruistes les gestes destinés à faire le bien qui sont posés «indépendamment de la promotion de l’intérêt personnel».

Olivier Blais se considère comme étant altruiste, et ce, dans toutes les sphères de sa vie et depuis toujours, «pas seulement en donnant des câlins», précise-t-il.

Il reconnaît que tout n’est pas rose dans le monde mais, selon lui, c’est par des gestes de bienveillance qu’on pourra l’améliorer, petit à petit. «C’est ce qui va nous permettre de sortir de l’individualisme et de la compétition pour nous ramener dans la collectivité et la compassion», illustre-t-il.

«On fait tous ce qu’on peut pour rendre le monde un peu meilleur.» -Pascale André, initiatrice du frigo communautaire Le petit Pantagruel

Cette façon de voir les choses rejoint la libraire d’Hochelaga-Maisonneuve. «J’imagine que je suis altruiste, dit-elle après une courte hésitation. Je ne tiens pas le frigo par pitié; je sens qu’il y a un besoin et que je suis en mesure, avec les moyens que j’ai, de
le combler un peu.»

Il reste que ces initiatives font aussi du bien à ceux qui les lancent. «Savoir qu’une famille de cinq ou six personnes a pu manger parce que le frigo était ouvert et plein… Je ne dirais pas que ça me réjouit – je préférerais qu’on n’ait pas besoin du frigo! –, mais ça me fait un petit baume, je me dis qu’il y a au moins ça», affirme Pascale Andrée.

«C’est sûr et certain que ça nous fait du bien», affirme Olivier Blais, qui a vécu de nombreux moments mémorables en donnant des câlins gratuits. «C’est arrivé des centaines de fois que des gens pleurent dans mes bras. J’étais à la bonne place au bon moment dans leur vie», rapporte avec gratitude celui qui voit son engagement comme une forme de travail de rue.

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