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La prochaine réforme Barrette vulgarisée

success smart medical doctor working with operating room Photo: Getty Images

L’implantation du financement à l’activité (FAA) dans l’ensemble du réseau de la santé est la priorité du ministre Gaétan Barrette jusqu’en 2021 et même au-delà, selon ses propres dires. Même si tous s’entendent sur le principe derrière cette réforme, les premiers pas effectués par le ministre soulèvent des inquiétudes.

Qu’est-ce que le FAA?
Actuellement, les budgets accordés aux hôpitaux sont calculés par le ministère de la Santé en fonction de ceux qu’ils ont obtenus les années précédentes, et sont ajustés selon certaines caractéristiques de la population qu’ils desservent. «Ceux qui traitent beaucoup de patients manquent souvent de ressources, alors que ceux qui en voient moins ont généralement moins de pression sur leur budget», a souligné Joanne Castonguay, professeure au Pôle santé HEC Montréal.

Avec le système de FAA, les établissements reçoivent des fonds qui correspondent à la quantité de soins qu’ils ont prodigués. «Plus ils traitent de patients, plus ils obtiennent du financement, a expliqué Mme Castonguay. Et c’est au ministère d’établir quel est le juste coût associé à chaque soin.»

Des hôpitaux plus efficaces
Ce système encouragerait les hôpitaux à être plus efficaces et mènerait à des économies, selon le Dr Barrette. «Ça va mettre les milieux en compétition les uns par rapport aux autres, a-t-il indiqué à Métro. Il y a présentement des écarts de coûts d’un milieu à l’autre pour un même service.»

«Les hôpitaux n’auront pas le choix de connaître les coûts des soins qu’ils donnent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et de bien gérer leurs activités, a pour sa part commenté Mme Castonguay. De plus, le FAA vient généralement avec des normes de qualité à respecter. Si la qualité se dégrade, le patient restera plus longtemps à l’hôpital ou sera réhospitalisé, ce qui coûtera plus cher à l’établissement.»

Mme Castonguay a fait ces constats en analysant les résultats des réformes adoptées en ce sens dans certains pays européens et provinces canadiennes. En Grande-Bretagne, notamment, le volume de services donnés a augmenté significativement au bout de six ans.

Possibles effets pervers
Les analyses effectuées par Mme Castonguay indiquent toutefois que l’augmentation de la productivité des hôpitaux fait hausser les coûts totaux du système plutôt que de les diminuer.

«La démonstration n’est pas faite qu’on va épargner de l’argent, a estimé l’urgentologue Alain Vadeboncœur, qui juge qu’il faudra surveiller cette réforme de près. En Grande-Bretagne, la réforme s’est faite en période de réinvestissement.»

Si elle trouve ce mode de financement intéressant en soi, Diane Lamarre, porte-parole du Parti québécois en matière de santé, est préoccupée par le fait que cet exercice se fera dans l’objectif d’économiser de l’argent. «Ça va donner des arguments pour dire qu’on arrête de faire de la chirurgie à tel ou tel endroit où ça coûte plus cher, possiblement en région», s’est inquiétée Mme Lamarre.

«Ce mode de financement est une condition nécessaire pour établir une compétition entre les secteurs public et privé, a également noté le Dr Vadeboncœur. Ce qui ne veut pas dire que c’est l’intention du ministre d’ouvrir cette compétition.»

Par ailleurs, l’urgentologue craint que les hôpitaux négligent certains soins moins rentables. C’est ce qui s’est passé au Québec en 2004 lorsque le FAA a été mis en place pour trois types de chirurgies, selon un article de Mme Castonguay.

Panique en radio-oncologie
Au Québec, les centres de radio-oncologie expérimentent le financement à l’activité depuis le printemps dernier pour la mise en traitement en radiothérapie. Le ministère estime qu’il est trop tôt pour observer des résultats. Par contre, l’Association des radio-oncologues déplore que le calcul ministériel ait occulté le fait que certains centres comme le CHUM ou l’Hôpital général juif traitent des cas plus complexes et que cela coûte plus cher.

«C’est la panique dans la plupart des centres, parce que les budgets alloués à l’acte ne sont pas suffisants, et il y a des déficits impor­tants, a affirmé le Dr Khalil Sultanem, président de l’AROQ. La plupart des centres utilisent des moyens pour respecter les budgets, par exemple de ne pas remplacer les employés en congé de maladie. Mais on a tous peur de devoir éventuellement réduire la qualité des soins.»

Le Dr Sultanem dénonce également le fait que les radio-oncologues n’ont pas été consultés, ce qui va à l’encontre des recommandations du rapport du Groupe d’experts pour un financement axé sur les patients, publié en février 2014.

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